Par

Cinq ans après la mort de Jean-Paul II, Benoît XVI tient bon

2-avril-2010Cinq-ans-apres-la-mort-de-JPII-B16-tient-bon.png

 

Décryptage | Hélène Bodenez


De la mémoire de Jean-Paul II, s’exhale un parfum doux et fort qui ne s’évanouit pas, continuant de répandre la sainte odeur de la foi en Dieu, tel le parfum de grand prix de Marie-Madeleine. C’est précisément parce qu’il s’est approché toujours plus de Dieu dans l’amour qu’il a pu se faire le compagnon de route de l’homme d’aujourd’hui, répandant dans le monde le parfum de l’Amour de Dieu a déclaré son digne successeur, Benoît XVI, lors de la messe anniversaire anticipée du 29 mars dernier.

 

Pour parler de ce grand Polonais il y a également le grand vent , celui des funérailles qui souffle encore comme le dit le cardinal Dziwisz de passage à Rome pour commémorer l’anniversaire. Parfum et grand vent… comme les deux faces d’un souffle qui parcourt toute la terre cherchant pour l’achever l’œuvre de la conversion des âmes. L’apôtre de la divine Miséricorde reste dans tous les cœurs. La chaîne des fidèles sur la tombe de l’homme en blanc témoigne de sa sainteté lorsqu’elle défile de manière ininterrompue et se recueille dans la crypte, près du tombeau de saint Pierre.
Un livre inattendu a redit, s’il en était besoin, à quel point Jean-Paul II fut grand. Le succès de librairie d’Olivier Le Gendre, Confession d’un cardinal (Lattès) peut irriter en maints endroits tant les prises de position teintées d’amertume révèle un pessimisme aussi lucide que terrible. Mais les pages relatant la façon dont Benoît XVI s’est imposé à tous après Jean-Paul II, sont particulièrement intéressantes et disent à la fois la grandeur du pape défunt et la grandeur du pape qui lui succède. Notre cardinal narrateur, chef de dicastère ayant atteint la limite d’âge et n’ayant donc pas participé au conclave raconte comment les choses allaient bon train avant le conclave.

Cette période, dit-il, il peut la raconter, elle ne relève pas du serment :

 

C’est pendant la période qui a séparé le décès de Jean-Paul II et l’entrée en conclave que tout a basculé. J’ai été le témoin intéressé et un peu perplexe d’un processus assez passionnant, celui qui pousse un nombre relativement important d’hommes, représentant un nombre considérable de nations, unis par une même foi, à s’accorder bon gré mal gré sur le choix de celui qui doit diriger, eux et l’Église toute entière – c’est-à-dire tout de même plus d’un milliard d’hommes – pendant les années suivantes.

 

Suivent alors les lignes concernant les spéculations qui couraient avec la mort imminente de Jean-Paul II, des scénarios des plus plausibles. Le cardinal Ratzinger n’était pas à ce moment-là papabile. Jusqu’à ce fameux chemin de croix au Colisée :

 

Nous sommes le 25 mars, Jean-Paul II est dans l’incapacité de participer aux cérémonies. Il mourra le samedi 2 avril, huit jours plus tard. Le cardinal Ratzinger le remplace pour le Chemin de Croix. Et soudain, au cours de son homélie, je sursaute violemment quand je l’entends dire : “Seigneur, souvent Ton Église nous paraît comme une barque en train de sombrer, une barque qui fait eau de toutes parts.” Puis nouvelle secousse : “Les habits et le visage tellement sales de ton Église nous plongent dans le désarroi. Mais c’est nous qui l’avons sali… mais c’est nous qui te trahissons chaque fois malgré toutes nos grandes paroles et nos grands gestes.”

 

L’auteur de la confession se rend bien compte alors que ces paroles ne sont pas celles d’un candidat voulant rassembler quatre-vingts voix .

Tournant inattendu

Mais il se trompe. Car la messe de funérailles va se révéler un tournant inattendu pour la future élection avec son autel, le cercueil avec les pages d’un Évangile posé sur celui-ci qui volent au vent. Ce parterre de chefs d’État. Et là je sens physiquement monter l’inquiétude et même l’angoisse parmi mes frères comme s’ils découvraient soudain à ce moment combien il allait être difficile de remplacer cet homme venu de Pologne dont la vie avait déplacé de si grandes foules et dont la mort avait fait accourir tant d’hommes et de femmes qui gouvernent le monde.

Ce qui s’impose donc c’est que succéder à ce pape-là ne serait pas une mince affaire . Le cours des choses prend alors un autre tour. D’un seul coup [les cardinaux] sont passés de la recherche rationnelle du meilleur candidat qui puisse conduire l’Église à travers les obstacles qu’elle rencontre aujourd’hui à une question beaucoup plus simple, voire simpliste : Qui est capable de tenir après un tel pape ? Je dis bien tenir dans le sens tenir bon , ne pas se sentir écrasé par la tâche , inspirer un respect assez fort.

 

C’est ce jour-là, durant la messe, que tout est balayé : les analyses subtiles, les pondérations de critères, le choix d’une nationalité, la question de l’âge, le problème de l’expérience pastorale sur le terrain. Tout disparaît d’un seul coup au profit de la question : qui a les épaules assez solides et suffisamment d’autorité pour succéder à ce géant que nous sommes en train de mettre en terre ? —

 

Et la réponse à cette question, c’est : le cardinal Ratzinger répond le journaliste interviewer Olivier Legendre.

De la même façon que Jean-Paul II n’avait de son vivant jamais pu imaginer se séparer de son préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, malgré ses trois demandes de démission, ainsi par delà sa mort, le grand Polonais continuait par sa stature de géant à imposer la seule option qui vaille, l’option Ratzinger : celui qui concluait que lorsque le monde avait tort en pensant telle ou telle chose, l’Église devait le lui dire. La vérité avant tout, la vérité avant tout, pensait-il.

2 avril 2010, Vendredi saint. Au fond, le jour de Pierre. Le jour des papes. Pierre pour qui le Christ a prié. Pierre qui a rencontré la Vierge Marie après le reniement. Pierre par qui l’Église tient bon.

 

Olivier Le Gendre
Confession d’un cardinal
Lattès, 2007, 413 p., 18 €