Par

Affaire du boulanger averti : épisode II

boulanger-travail-le-dimanche

Le boulanger averti par l’Inspection du travail trouve des appuis de poids. François Fillon en personne. L’ancien premier ministre ne s’insurge donc pas contre la Loi bafouée mais donne raison publiquement au contrevenant ! Le coup de com’ décidément est bien huilé. Qu’y a-t-il derrière tout cela ? Rappelons d’abord une chose élémentaire. Rien n’empêche un commerçant d’ouvrir tous les jours et même 24/24h s’il le souhaite. En revanche, il est interdit pour cela d’employer des salariés le dimanche et la nuit en principe.

Confusions

C’est toute la confusion entre l’ouverture des commerces le dimanche ou la nuit et le travail dominical ou le travail de nuit, précise Maître Lecourt avocat à Nanterre. Elle est régulièrement mise à profit dans les sondages ou dans la presse par “commodité” ou “abus de langage” et parfois même dans les décisions de justice qui condamnent à fermer un établissement le dimanche ou à partir de 21 heures  au lieu respectivement d’interdire l’emploi de salariés le dimanche ou entre 21heures et 6 heures.

Mais rien n’interdirait par exemple qu’un commerçant ouvre la nuit en travaillant tout seul pour accueillir la clientèle, du moment qu’il respecte les autres règlementations comme celles relatives au bruit ou le règlement sanitaire départemental.

Réglementation de la concurrence

C’est pour cela aussi qu’on règlemente la concurrence pour faire face à des situations très proches du salariat, notamment avec des franchisés mis sous pression économique que l’on appelle “salariat déguisé”. Cela arrive  lorsque le franchiseur contrôle tout dans la pratique avec des dérives faciles à imaginer (ce n’estt pas nouveau : les réseaux de pompiste, les réseaux de transporteurs, les réseaux de distribution) avec des condamnations qui remontent à presque vingt ans dans les annales judiciaires.

Les arrêtés de fermeture sont assez nombreux, notamment en province dans bien des commerces, notamment dans le secteur de la boulangerie. La décision du Conseil Constitutionnel n’est qu’un avatar et permet de voir ce qui se produit lorsque des chaînes arrivent pour vendre pains et viennoiseries surgelées ou lorsqu’un commerce multiple décide de vendre du pain moins cher que les boulangers, au risque de déstabiliser les commerces concernés.

De nombreux villages français ont encore un boulanger et un pharmacien. Mais combien de bouchers/charcutiers ne trouvent personne pour reprendre leur fonds de commerce ? Les “petits vieux” du quartier sont désormais obligés de prendre leur voiture pour faire trois kilomètres pour aller au supermarché le plus proche.

C’est un désert qu’on finira par avoir si l’État n’est pas capable de laisser une chance de survie à tous les modèles économiques. Et le démaillage en cours, c’est évidemment toujours sous couvert de liberté, celle du plus fort.

Ironie

Ironie de l’affaire : hier soir (curseur à 04:00) au journal télévisé de France2, David Pujadas laissait François Beaudonnet analyser l’avertissement de la Commission européenne en direction de l’Allemagne trop performante, exportant trop. Je n’ai pas entendu François Fillon monter au créneau pour se draper alors dans son indignation ! Dans une République, dans un État de droit, la Loi est respectée même lorsqu’on n’est pas d’accord avec elle jusqu’à ce qu’elle soit débattue et éventuellement modifiée par le jeu des institutions. On ne peut se féliciter de sa violation, sauf ensuite à perdre toute crédibilité lorsqu’on veut prôner une tolérance zéro.