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La mue du numérique : vers une pensée captive ?

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L’affaire Benalla et ses suites révèleraient-elles un avis de tempête sur le numérique ? Le beau temps de la grande liberté, du référencement qui vous offrait des pépites en première page de Google, des sites et des comptes de réseaux sociaux puissants, intelligents et efficaces est sans doute révolu. Nouvelle et radieuse, la “régulation numérique” s’impose … En France et plus largement en Europe. Pas sûr que nous voulions mettre la même chose que le gouvernement sous le mot “régulation”.

Avec elle, “sa modération”, son lot de républicanisation et de politiquement correct imposé avec forfanterie. Et tant pis si cette “régulation” doit humilier la conscience et la liberté d’expression de millions de personnes. Sous de belles intentions de principe, le secrétaire d’État chargé du numérique l’affirme : « On [n’]est pas là pour subir, l’avenir numérique, c’est nous qui le déciderons ! » Et d’égrener ses lieux de travail : “régulation des plateformes, réseaux sociaux et fake news, homophobie”. (Au passage, au panier la grammaire et sa négation, au panier le beau vocabulaire français : “fake news” (1) fait tellement nouveau monde à côté de “désinformations” ou “d’infos manipulées”.)

Le numérique et spécifique homophobie

Homophobie, vous avez bien lu. Non pas propagande radicale terroriste, non pas discrimination générale. La spécifique Homophobie. On sait bien ce que ce mot veut dire depuis 2013. Vous avez bien lu. Homophobie alors que les lois de bioéthique incluant la PMA pour toutes, soit la négation du père, arrivent à la fin de l’année. On sait d’avance qu’à ce sujet, tout discours rationnel sera marginalisé, condamné, que chaque opposant sera alors facilement taxé d’homophobe.

Homophobie donc, alors que le jeune secrétaire d’État de 34 ans, en pleine morale de situation, vient de faire son coming out intimidant. On devine sans mal que chaque acteur du numérique tremblant, sera le petit doigt sur la couture du pantalon, d’une bienveillance onctueuse. Homophobie, LA discrimination seule nommée dans ce tweet relayant un extrait d’interview au micro d’Apolline de Malherbe ! Homophobie, dernière nommée de la juxtaposition des groupes nominaux. Finaliserait-elle au fond les trois autres nommés, “régulation des plateformes, réseaux sociaux et fake news” ?

Nul doute que sous le beau mot de “nouvelles régulations”, il y a volonté de “cadre”, en réalité volonté d’orientation autoritaire des choses pour ne pas dire censure, à commencer par la censure de millions de marcheurs. Pas de ceux de LREM, mais de ceux de La Manif Pour Tous évidemment ! La problématique est en réalité celle-ci : comment faire habilement passer ces lois sans un seul manifestant dans la rue. La lutte contre le mariage pour tous qui a toujours été liée à la promotion de la filiation humaine, doit donc être entachée des pires idées : la voilà officiellement, scientifiquement, certainement reliée à des repoussoirs proclamés : la fachosphère, les identitaires, la promotion de Trump, de la Russie. Depuis le début d’ailleurs, que ce soit sous François Hollande ou sous Emmanuel Macron, force est de constater que les responsables de l’opposition au Mariage Pour Tous n’ont pas eu vraiment leur chance ayant été toujours considérées, avec préjugés, ou hystérique ou facho. Fin de non recevoir. Humiliation permanente.

Les mouvements contre Le Mariage Pour Tous deux fois catégorisés

Aujourd’hui, pour l’ONG belge EU-Disinfo et Nicolas Vanderbiest, laboratoire cité et adoubé par Mounir Mahjoubi ou par LREM, “les mouvements contre le Mariage Pour Tous” sont le grand épouvantail. L’incroyable analyse des comptes-twitter qui ont été hyperactifs lors de l’affaire Benalla, plus de trois mille comptes sur les cinquante-cinq mille répertoriés, révèle un classement en quatre catégories : la première, “la communauté constituée de souverainistes, LR et proches des mouvements contre Le Mariage Pour Tous” ; la deuxième, “la communauté du RN, des souverainistes et quelques personnes de mouvements contre Le Mariage Pour Tous” ; la troisième, “la communauté constituée par la FI avec des porosités de lien avec les autres communautés qui occasionne quelques faux positifs” ; la quatrième, “la communauté constituées des médias et des porosités avec les autres communautés et la REM”. Deux sur quatre nomment “les mouvements contre le mariage pour tous”. C’est le seul mouvement/parti de ces catégories ainsi stigmatisé. On devine assez bien pourquoi.

Le classement terrible publié des trois mille trois cent quatre-vingt-treize comptes-twitter met en outre en évidence le partage de “rumeurs”, soit neuf désinformations épinglées par Nicolas Vanderbiest et révèle la surveillance de l’opposition à Emmanuel Macron. En effet, la quatrième classe pro Macron ayant tweeté également sur Bénalla est bizarrement sortie du fichier. 

Peu des offusqués de la divulgation de ces listes ont relevé cet aspect-là de l’analyse, la cible des potentiels pseudo-homophobes à juguler. Mais pendant ce temps-là, pendant cette crise inouïe, Mounir Mahjoubi se tait et n’a pas l’air de se sentir vraiment concerné. Il part en congés en se jouant de l’affaire par un pied de nez bien insolent, invitant à la déconnexion, à la suppression de l’appli twitter pendant les vacances, soit pendant cette problématique diffusion que certains appellent “fichage politique”. Le conseil sonne comme une défilade.

Qui a voulu cela ?

La concomitance Volume énorme de l’affaire Benalla/Comptes bloqués de twitter/Diffusion publique de cette fameuse liste dévoilant accidentellement pseudos, identités, orientations sexuelles, sensibilités politiques et religieuses est plus que troublante d’autant qu’elle suit de près, au niveau européen, les appels à la régulation des géants du web et des réseaux sociaux. Se demander si tout cela a été voulu par l’Élysée est-il pur roman ou vraisemblable hypothèse ? Difficile que la question ne nous effleure pas l’esprit…

 

(1) Par 288 voix contre 31, le Sénat a rejeté les deux propositions de loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information (“fake-news”) impulsées par le président Macron.

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Lire sur le site Le Médium : “Affaire Benalla : une controverse sous influence ?”

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Voir la Vidéo du pape du mois d’août

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Rappel de la vidéo appelant à la manifestation du 2 février 2014.