Le “profil différent” d’Alexandre Benalla : un nouveau mérite en marche ?
Secoués depuis une semaine par l’affaire Alexandre Benalla, les Français découvrent éberlués certains fonctionnements de la république française pour le moins étranges. Hier, lors de l’audition au Sénat du secrétaire général de l’Élysée, l’une des raisons avancées pour sauver le chargé de mission Alexandre Benalla, entre temps nommé “bagagiste des Bleus”, serait son “profil différent” (réponse au sénateur Jean-Noël Buffet LR, curseur à 2:07:32). Outre le fait que l’expression reste d’un vague achevé, on s’interroge sur la réalité d’un tel diplôme délié de toute expertise (1). C’est, dans cette affaire, ce qui m’a le plus choquée comme ce qui m’avait déjà choquée lorsque j’avais déjà entendu l’expression dans d’autres circonstances.
Alexandre Benalla : le mérite de la différence
On le sait bien, Corneille déjà l’affirmait, “la valeur n’attend pas le nombre des années” mais les actions méritantes faisaient l’ascension de quelqu’un, adoubaient, dans une forme de cursus honorum, le héros qui ne devait ensuite plus démériter ; l’on savait même que la roche tarpéienne était proche du Capitole. Molière confirmait cette vision des choses lorsque Don Louis morigénait son fils “grand seigneur méchant homme” : “Et qu’avez-vous fait dans le monde pour être gentilhomme ?” Beaumarchais reprenait plus tard l’expression faisant dire à son facétieux valet Figaro “Qu’avez-
Ce temps du mérite à l’ancienne n’est plus aujourd’hui. Et c’est un tournant qui met à mal jusqu’à la fameuse morale du jardin voltairien. Au mérite viennent se substituer désormais les passe-droits du hasard de la diversité et de la différence et avec elles l’absence de concours, de références, de critères objectifs admis. Que met-on sous ces réalités élastiques ? Appartenance à des quartiers défavorisés, à une ethnie mal intégrée, à un sexe discriminé ? On ne sait. Le doux euphémisme de “profil différent” a l’art de tout ramasser, d’être en tout cas efficace et tout le monde se tait à sa profération de peur de discriminer ; même si c’est l’égalité des chances qu’on tue proprement ! Plus besoin de diplômes, plus besoin de carrière, d’ancienneté surtout. La jeunesse et la ferveur zélée suffiraient. Monsieur Benalla était différent des types de profil que l’on rencontre fréquemment dans les couloirs de l’Élysée, a ainsi asséné M. Kohler au Sénat.
Voilà le nouveau mérite proclamé dans le nouveau monde en marche ? Finie la loi vérifiée et publiée appliquée à tous ? Bonjour le fait du prince et son à-peu-près inégalitaire ? J’ai en tout cas remarqué que, dans certains cas même, on faisait payer leur expertise à ceux qui réussissent, celle-ci fleurant bon, d’après ces coupeurs de tête vertueux, l’inégalité… Modernes temps où l’on doit se faire pardonner ses qualités.
Démonstration par l’absurde ratée
Raison pourquoi nous nous retrouvons avec des référendums populaires niés, des consultations démocratiques piétinées, des élections présidentielles détournées (la contestation du suffrage universel serait-elle pour bientôt ?), avec des États généraux de bioéthique cosmétiques, avec des députés élus à l’Assemblée aussi inconnus qu’inexpérimentés se présentant par leur différence, celle en réalité de ne savoir qu’applaudir en marionnettes la Majorité. Raison pourquoi nous nous retrouvons avec des lois, présentes ou à venir, voulues par des minorités et des différents, loin du bien commun, qu’elles soient par exemple LGBT ou Mourir Dans La Dignité. Raison pourquoi, loin du peuple, l’ombre non élue d’un petit nombre décide de nouvelles règles, manœuvre selon ses critères propres et cachés au plus grand nombre. Pour son bien, lui opposeront ces éclairés autoritaires préparant utopiquement son bonheur malgré lui !
En tout cas, différent, le profil du sieur Bénalla l’était assurément comme le révèle malheureusement la longue litanie de ses dérapages, de ses intimidations et de ses violences. De ce point de vue-là Alexis Kohler au Sénat ne s’est pas trompé. Quand la preuve par neuf se mue en démonstration par l’absurde ratée…
(1) “Il n’a pas le profil classique des membres d’une telle structure. Ni son parcours, ni ses diplômes, ni son expérience opérationnelle ne justifient ce niveau de poste ; encore moins le profil de chef adjoint de cabinet, qui englobe des missions non directement liées à la sécurité. Celui ou celle qui occupe ce type de poste est généralement un haut fonctionnaire, éventuellement un contractuel de très haut niveau, au profil plus “lourd” (de par ses diplômes ou son expérience préalable dans le milieu administratif et institutionnel).” “Pour le praticien de la sécurité que je suis, familier de l’administration, voici les incohérences majeures dans l’affaire Benalla”
in Blog du Huffington Post du 28 juillet18