Mort du Père de Monteynard : l’ultime messe du jeudi est dite
Nous l’avions appris depuis quelques jours. Après un séjour à l’hôpital Saint-Joseph à Paris, le père de Monteynard, avait été admis en soins palliatifs. Le SMS est tombé ce matin : le fondateur de l’Eau Vive s’est éteint à deux heures du matin, après être entré en agonie hier jeudi soir. Son ultime messe du jeudi est dite, “l’évangile de la souffrance” vécu jusqu’au bout.
D’abord aumônier d’étudiants, le père de Monteynard avait fondé une grande association, L’Eau Vive, et a eu à cœur de rassembler, à chaque fois qu’il le pouvait, les jeunes qui cherchaient des lieux de ressourcement, comme le week-end par exemple lors de pèlerinages ou pendant les vacances à Briançon dans ces fameux camps d’été. Mais l’ADN de L’Eau Vive, c’était la messe du jeudi soir.
Branche éducative issue des foyers de charité, toute L’Eau Vive se rassemblait le jeudi soir, rue de Sèvres, dans la chapelle des Lazaristes, en union de prière avec Marthe Robin qui revivait la Passion du Christ chaque semaine précisément, dans la nuit du jeudi au vendredi. La messe prenait son temps et durait longtemps entre chant choral préparé, sermon fleuve et avis riches des activités à venir donnés, qui amenaient comme un second prêche.
Le caillou blanc
Les souvenirs affluent, émouvants. Je pense en premier lieu à tous ces amis qui ont donné leur vie dans une consécration religieuse, dans une vie très cachée, à tant et tant qui ont été fiancés et mariés par le Père de Monteynard. C’était sa joie ! Je pense à cette conférence de Carême de trois jours prêchée à la Légion d’Honneur qui me le fit connaître.
Je pense à ce pèlerinage au Mont Saint-Michel et à ses sept cars, à ses sept équipes toutes d’un nom des sept Églises de l’Apocalypse. Je m’en souviens comme si c’était hier : je voyageais dans celui dédié à l’Église de Pergame : “Au vainqueur je donnerai de la manne cachée et je lui donnerai aussi un caillou blanc, un caillou portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît hormis celui qui le reçoit”. Un chant, sorte de négro spiritual, s’était élevé dans l’abbatiale lors de la veillée, à quatre voix, me faisant vivre une expérience religieuse comme je n’en avais jamais vécue : “Elle est droite ta Parole, Tu es grand, ô Seigneur. Ta Parole nous fait vivre…”
Je pense bien sûr à ce premier camp d’été en 1977, à ces balades splendides et exigeantes en montagne, aux nombreux autres qui suivront, en tant que monitrice, à ces moments de repos bienfaisant au chalet après les jours d’excursion, jours précieux d’amitié et de formation humaine et spirituelle.
Combien de fois la phrase latine Solvitur in excelsis a ponctué les sermons du Père de Monteynard, cette règle du toujours plus haut, de la solution dans les hauteurs, essayée d’être vécue au plus près ? Aujourd’hui, elle est certainement miséricordieusement réalisée : le père de Monteynard a, sans canne et sans boiter, gravi son dernier sommet, est parvenu au ciel, dans sa patrie, voit enfin Marie, sa joie et son amour. Un jour, un jour, chantait-il… Ce jour de Dieu est donc le 4 mai, premier vendredi du mois de Marie. À Dieu, cher père ! À toujours !
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Mises à jour
Mardi 8 mai
- Intervention de Gabriel de Sevin sur Radio Notre-Dame dans l’émission Rencontre à 10:04.: le père de Monteynard, fondateur de l’Eau Vive : « une paternité exigeante mais chaleureuse »
- Veillée de prière à la paroisse Saint-Lambert de Vaugirard à 20h30. Lu cet extrait du Message aux jeunes de France de saint Jean-Paul II, 1er juin 1980.
Je voudrais, en cette soirée inoubliable, que nous fassions tous ensemble une ascension, une véritable cordée en direction des sommets à la fois difficiles et tonifiants de la vocation de l’homme, de l’homme chrétien. Je veux en effet partager avec vous, comme un ami avec ses amis, mes propres convictions d’homme et de serviteur de la foi et de l’unité du peuple de Dieu.
Vos problèmes et vos souffrances de jeunes me sont connus, au moins à un plan général: une certaine instabilité inhérente à votre âge et augmentée par l’accélération des mutations de l’histoire, une certaine défiance à l’égard des certitudes, exacerbée par le savoir appris à l’école et l’ambiance fréquente de critique systématique, l’inquiétude de l’avenir et les difficultés d’insertion professionnelle, l’excitation et la surabondance des désirs dans une société qui fait du plaisir le but de la vie, le sentiment pénible d’impuissance à maitriser les conséquences équivoques ou néfastes du progrès, les tentations de révolte, d’évasion ou de démission. Tout cela, vous le savez, au point d’en être saturés. Je préfère, avec vous, gagner les hauteurs. Je suis persuadé que vous voulez sortir de cette atmosphère débilitante et approfondir ou redécouvrir le sens d’une existence véritablement humaine parce que ouverte à Dieu, en un mot votre vocation d’homme dans le Christ.
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Vous valez aussi ce que vaut votre cœur.