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Soirée au Centre Sèvres : États généraux de bioéthique, quels enjeux ?

États généraux de la bioéthique

Il neigeait sur la ville. Paris se crispait et, ce soir-là, plus aucun bus ne circulait. L’heure de pointe dans le métro s’avérait plus difficile que jamais. Le froid n’arrêta pourtant personne. Aucune difficulté n’eut raison de la détermination de ceux qui avaient décidé de longue date de se rendre ce 6 février à la conférence autour des enjeux des États généraux de la bioéthique au Centre Sèvres.

Succès de la conférence

Arrivée bien en avance, je prends place dans l’amphi Theillard de Chardin déjà plein. Une autre salle est rapidement ouverte avec retransmission par vidéo. Des villes de province suivent la soirée : le père de Charentenay s.j. ancien directeur de la revue Études a réuni nombre d’intéressés à Marseille et la radio RCF retransmet en direct la conférence. Les avis des différents débatteurs, le Pr. Jean-François Mattei et Bruno Saintôt s.j. étaient à l’évidence très attendus. Les débats étaient animés par le Pr. Jean-Noël Fiessinger, spécialiste en médecine interne, et Jean-Luc Pouthier, journaliste et historien, ancien conseiller culturel à l’Ambassade de France près le Saint-Siège.

Calendrier de ces États généraux de la bioéthique

Le Pr. Jean-Noël Fiessinger introduit à la soirée enjoignant d’emblée l’assistance à s’engager : « Nous sommes tous concernés… » Et d’inviter de manière pressante à ne « ne pas attendre six mois pour réfléchir, pour se manifester. Il y a obligation morale à intervenir, urgence aussi. »

Jean-Luc Pouthier de son côté présentera la “fusée à plusieurs étages” que seront ces États généraux de la bioéthique : un site internet à la fin du mois, l’intervention du CCNE auditionnant des sociétés savantes, une conférence Citoyens (vingt citoyens pris au hasard, tirés au sort) au service d’un institut de sondage, qui suivra les débats et les rapports. Tout cela devra être terminé en mai. En juin, un rapport sera remis aux parlementaires. Les États généraux seront alors officiellement clôturés. Le projet de loi devrait être porté par le gouvernement à la fin de l’année 2018, ou au tout début de 2019.

Le droit à quelqu’un

Prenant la parole en premier, le Pr. Jean-François Mattei, assez pessimiste, s’alarme, choqué, « des nouvelles demandes qui font de plus en plus état d’un droit à l’enfant, d’un droit à quelqu’un, faisant de l’enfant un objet.  La question du père est évidemment centrale. Ce que promet la PMA pour toutes c’est l’absence de père : « Bien sûr, on me dit qu’il y a des enfants sans père, on le sait, des pères qui meurent dans des accidents de voiture après que la femme est enceinte, mais il y a un père dans l’histoire, il y a une référence. Là, il n’y aura pas de père biologique, pas de père social, pas de père historique, pas d’image paternelle. Et je ne suis pas certain que ce soit la meilleure façon de faire grandir un enfant. »

Certes, ajoute-t-il, la seule boussole qui demeure est notre conscience, mais elle est insuffisamment nourrie, elle est affaiblie. » Et de conclure en posant ces questions essentielles : « Où allons-nous ? Que voulons faire de nous, de notre humanité, dans quel monde voulons-nous vivre demain ? »

Faire intervenir la solidarité humaine

Puis ce fut à Bruno Saintôt de s’exprimer. La retransmission en direct sur la radio RCF le contraignit beaucoup et dire en vingt minutes l’analyse fine prévue fut une gageure. Malgré tout, nous avons compris l’espérance que nourrissait encore le père jésuite. Ces états généraux doivent être l’occasion de se mobiliser largement et autrement. « Pouvons-nous accepter collectivement une société où le corps entrerait dans la sphère marchande même si les autorisations et les exceptions étaient encadrées ? […] Pouvons-nous déstabiliser tout le système juridique dans ses principes fondamentaux ? avance-t-il tranquillement. « Allons-nous accepter les technologies les plus transgressives parce que nous ne voulons pas vieillir, parce que nous ne voulons pas mourir ? »

Plus volontariste que Mattéi, Saintôt veut faire « réfléchir à un nouvel humanisme : il s’agit de penser l’homme, son unité, sa liberté, penser sa responsabilité envers autrui. » Au cœur de l’intervention du responsable du département éthique biomédicale du Centre Sèvres une idée toute simple mais puissante, la solidarité humaine. Il avertit ainsi dans le temps des questions/réponses : « Je veillerai au franchissement des seuils, comme l’indisponibilité du corps même si c’est régulé : le corps dont on met en cause l’indisponibilité, le corps instrumentalisé ? Ou au contraire, le corps indisponible, le corps manifestation de la personne ? »

Le syndrome de la pente glissante

À quoi, le Pr. Mattéi, fort de son observation des mœurs des nouvelles générations, a répondu ne se départant pas d’une forme de catastrophisme, remettant en cause le mot « seuil » de Bruno Saintôt : « Je crois au syndrome de la pente glissante. Les limites sont déjà franchies depuis longtemps pour être sans cesse repoussées. »

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Réécoute sur le site du Centre Sèvres : États généraux de la bioéthique, quels enjeux ?

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Accusé de réception de mon inscription.

Lien vers le site des États généraux de la bioéthique https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/

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