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Désarmement nucléaire : le Vatican en voix morale et médiatrice

désarmement nucléaire

(Article publié le 11 novembre et republié ce jour pour des raisons techniques).

Ces 10 et 11 novembre se déroule un événement important au Vatican. Désarmement nucléaire à l’ordre du jour. Le pape François a rencontré les trois cent cinquante participants du symposium international organisé par le Dicastère pour le service du développement humain intégral. Pour mémoire, ce dicastère a été créé par le Saint-Père en 2016. Il remplace certains conseils pontificaux. Le symposium a pour titre : « Perspectives pour un monde sans armes nucléaires et en faveur d’un désarmement intégral ».

“L’escalade de la course aux armements se poursuit sans relâche et le prix de la modernisation et du développement des armements, pas seulement des armes nucléaires, représente une dépense considérable pour les nations” a rappelé le pape aux participants.”

Armement nucléaire et autodestruction inimaginable

Il y a peu, je me suis livrée à un petit jeu que permettait une application, trouver quel mot est entré dans le dictionnaire Le Robert l’année de ma naissance. Le mot qui me correspondait était « antinucléaire ». Je m’en suis réjouie et ne l’ai pas renié. En effet, appartenant à la génération Jean-Paul II, j’ai toujours été très sensible aux nombreux appels à la prudence que le pape slave n’a cessé de lancer, notamment, celui de sa première encyclique, Redemptor hominis, au paragraphe 15.

Le Saint-Père mettait alors en exergue les fabrications de l’homme relevant plus spécialement de son « génie et de sa créativité ». Nul doute que cela ne s’applique à l’armement nucléaire, à cette « auto-destruction inimaginable en face de laquelle tous les cataclysmes et toutes les catastrophes connues dans l’histoire semblent pâlir. »

Quoique le fruit des plus grandes intelligences comme le rappelle le texte, cette fabrication est une menace terrible. Elle vient de l’homme lui-même pouvant le mener à son propre anéantissement. Il ne s’agit pas là d’un scénario de science-fiction, d’un Terminator fictif se terminant bien. Il s’agissait des mots d’un texte magistériel, le plus haut degré d’autorité d’un pape. Le souverain pontife d’aujourd’hui ne dit pas autre chose dans son allocution aux participants lors du symposium : « les armes qui entraînent la destruction de la race humaine sont insensées même d’un point de vue tactique. »

Que le Vatican en 2017 réfléchisse aux périls montants et appelle au désarmement nucléaire doit nous alerter. De manière concomitante au prix Nobel de la Paix attribué cette année à une ONG anti-nucléaire, l’ICAN, l’un des plus petits états du monde mais pas le moins influent voit son chef avertir très sérieusement la planète : « L’humanité risque le suicide. » Aurons-nous des oreilles pour entendre ?

En quelles mains pourrait se trouver ce terrible pouvoir ?

Certains sur les réseaux sociaux ironisent, laissant entendre que le pape se mêlerait de ce qui ne le regarde pas, qu’il ferait mieux de s’occuper de la foi des fidèles. C’est ne rien comprendre à la mission du successeur de Pierre. Dans Laudato Si, encyclique appelant à la préservation de notre maison commune, François avait rappelé que « rien de ce monde ne lui est indifférent ».

Quand le pape parle de l’air, de l’eau, de tout ce qui fait vivre l’humanité, il sait qu’ils peuvent être viciés de la manière la plus définitive qui soit et pas seulement par la pollution quotidienne. « Nous ne pouvons pas ignorer que l’énergie nucléaire, la biotechnologie, l’informatique, la connaissance de notre propre ADN et d’autres capacités que nous avons acquises, nous donnent un terrible pouvoir » écrit le pape au paragraphe 109. « Jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle s’en servira toujours bien, surtout si l’on considère la manière dont elle est en train de l’utiliser » poursuit-il.

Le désarmement nucléaire, une utopie ?

Beaucoup restent donc dans un aveuglement coupable ne mesurant pas le péril vers lequel nous courons. Et le pape François de marteler encore :

Il suffit de se souvenir des bombes atomiques lancées en plein XXe siècle, comme du grand déploiement technologique étalé par le nazisme, par le communisme et par d’autres régimes totalitaires au service de l’extermination de millions de personnes, sans oublier, qu’aujourd’hui, la guerre possède des instruments toujours plus mortifères. En quelles mains se trouve et pourrait se trouver tant de pouvoir ? Il est terriblement risqué qu’il réside en une petite partie de l’humanité.

Tout est là : pas dans le génie de cette science mais dans le manque de conscience de ceux qui l’utiliseraient. D’où l’urgence du désarmement nucléaire qui n’est “pas une utopie” ainsi que l’a déclaré le cardinal Parolin.

Akita : l’avertissement de la catastrophe nucléaire ?

On ne peut terminer sans mentionner des secrets dont serait dépositaire le Vatican, au nombre desquels le troisième secret de Fatima, et qui justifieraient cette montée au créneau international : les événements reconnus d’Akita qui se sont déployés de 1973 jusqu’en 1979, à Yuzawadai, au Japon, message de Notre-Dame à une religieuse sourde, sr Agnès Sasagawa, n’en seraient-ils pas le prolongement ?

Mais comme le rappelle Pierre Barnérias parler de châtiments ou même de sacrifices pour sauver des âmes est devenu aujourd’hui inaudible. L’Église le sait évidemment et le pape, qui a parlé plusieurs fois de troisième guerre mondiale, plus que tout autre. Comment dès lors prévenir la grande catastrophe où les morts envieraient les vivants sans créer de panique ? En parlant à temps et à contre-temps, ce que le Saint-Père ne cesse de faire avec espérance.

Alors que les tensions se durcissent entre les États-Unis et la Corée du Nord, entre l’OTAN et la Russie, que le terrorisme s’internationalise, n’oublions pas que la prière et particulièrement la prière du chapelet peut tout. Plus que la violence des armes inhumaines dans un horizon sans Dieu. Ultimes moments pour un changement de cap urgent !

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Luc Ferry expliquant le mythe de Prométhée : “On va trouver l’idée de démesure, d’arrogance, c’est-à-dire l’idée que seule l’espèce humaine est capable de détruire la planète. C’est ce que les Grecs appellent l’hybris, et ce, parce que Prométhée a donné le feu et les arts aux êtres humains…”

La conférence sur le désarmement intégral au Vatican démarre par une prière à l’Esprit Saint #veniSancteSpiritu #necessité pic.twitter.com/RmN2fNFRxI

— Aymeric Pourbaix (@AymericPourbaix) 10 novembre 2017

Lire sur le site d’IMedia le communiqué

Les cardinaux Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, et Peter Turkon, préfet du Dicastère sur le développement humain intégral, ont ouvert le 10 novembre 2017 au Vatican les travaux du symposium sur le ‘désarmement intégral’, a constaté I.MEDIA. Les deux prélats ont insisté sur le changement de cap nécessaire, pour mettre un terme au gaspillage des ressources allouées aux armes nucléaires, qualifié de “vol“.

Lire sur le site de Zenit « Oser espérer, à terme, un monde sans armes nucléaires », par le card. Turkson (traduction complète)

Écouter Pierre Barnérias sur les événements d’Akita