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Benoît Lugan : Le Crayon de Dieu n’a pas de gomme

N’attendez ni nihil obstat, ni imprimatur… Le récit que nous livre Benoît Lugan dans son deuxième roman n’a pas la prétention de satisfaire à la doxa catholique. Le titre à valeur de proverbe Le crayon de Dieu n’a pas de gomme – et dont l’explication devra attendre la page cent trente-neuf – n’entend pas imposer de dogme ni donner à Dieu un visage transcendant.

Étrange histoire entre « rives d’océan, terre africaine et pays de causses » ! Difficile d’en parler sans dévoiler la surprise de la deuxième moitié du roman et alors gâcher le plaisir de la lecture. Réflexion sur le temps qui dévore les êtres sur leur chemin cahoteux, l’opus s’interroge sur les actes posés pleins de leur force unique et des aiguillages qu’ils impliquent, voies du bien, du mal, énigmes du hasard et de la nécessité pour celui qui, honnête, cherche cohérence et interprétations après coup. « Lorsque nous posons un acte et un choix, ils deviennent l’expression d’une chronologie qui nous dépasse et nous échappe. »

Le livre-gomme

Suicide, agression sexuelle, vocation religieuse, fraternité des simples, le lecteur est tenu entre calmes plats et crises tempétueuses. Le romancier, sertissant sa phrase pour le dire de mots rares et techniques, devient le barreur effacé d’une navigation littéraire dont le cap n’est pas donné à l’appareillage des lignes liminaires. Mais il faut tourner les pages avec confiance, entrer dans l’admiration tacite du narrateur pour des valeurs chrétiennes d’égalité qui ne s’affichent pas. Ainsi l’éloge du père Hamel à la toute fin.

Dans le labyrinthe où se cachent les minotaures des vies, Ariane l’héroïne, sœur de Bruno, vous déroule son fil en une leçon fraternelle. Le livre ne voudrait-il pas être dès lors cette gomme recherchée du titre, appel pudique à une compassion sur les actes des hommes empêtrés dans les circonstances de la vie ? À la fin de la lecture, on aimerait liquider l’inquiétude sourde, rappeler que seuls les sartriens réduisent les hommes à la somme de leurs actes, que la nuit des hommes ne saurait intimider “la lumière de midi” de Dieu, celle d’une arrivée à bon port ?

Benoît Lugan, Le Crayon de Dieu n’a pas de gomme,
Éd. : Cent mille milliards.
15 euros