L’école privée est-elle en voie de banalisation ?
Carte blanche du 13 mars 2017 – France culture “Où en est l’école privée ?”
Louis Daufresne – Hier France culture dans l’émission « Rue des écoles » s’interrogeait sur l’enseignement privé à l’heure où il demande plus de moyens… C’est ce qui a retenu votre attention ce matin…
Hélène Bodenez – Oui et étaient invités plusieurs acteurs dont le secrétaire général de l’enseignement catholique Pascal Balmand. L’introduction de Louise Tourret, la journaliste en charge de l’émission, a d’emblée posé le débat en soulignant étrangement dans sa présentation que l’enseignement privé était un secteur qui s’était « banalisé ». Que voulait-elle donc dire par ce mot pour le moins dérangeant ? Eh bien, qu’une proportion toujours plus grande de jeunes – désormais 40% – passe un jour ou l’autre de sa scolarité par l’enseignement privé. L’enseignement privé accueille, c’est vrai, largement et sans considération de religion.
L.D. – Un enseignement « pour tous »…
H.B. – Oui, mais si c’est le maître-mot, comme l’a rappelé Pascal Balmand, ce n’est pas pour cela de la banalisation. Les établissements catholiques sont résolument ouverts à tous. Oui. Ils « ne sont pas des établissements catholiques pour des catholiques ». Oui. Les écoles catholiques ne sont pas religieuses au sens strict du terme. Oui. Mais elles sont porteuses d’un « projet d’éducation chrétienne ». Elles ont une ambition, celle de proposer de « faire grandir dans un ciment chrétien ». Et ce n’est pas parce que les activités spécifiquement catholiques sont facultatives dans la plupart des écoles privées que banalisation il y a. D’ailleurs, la foi est la « sève de l’établissement » a renchéri Céline Colombo chef d’établissement dans le 93, illustrant son propos par la récente entrée en Carême, les Cendres et le bol de riz proposé le vendredi aux 2300 élèves.
L.D. – Le fameux bol de riz… Qu’attend l’école catholique de l’État ? …
H.B. – Question d’importance évidemment. Pascal Balmand a voulu d’abord ne pas se situer dans une logique de revendications. Il rappelle simplement qu’une association avec l’État revient à être « vrai partenaire » et non pas à « être toléré faute de mieux ». Être partenaires, dit-il, ce serait « constamment réfléchir dans le dialogue, dans la concertation, ajuster les pratiques aux besoins en évolution de la société. » Au lieu de sans cesse opposer l’école publique à l’école privée, se rappeler toujours qu’il y a un « besoins collectif et des manières plurielles d’y contribuer. »
L.D. – Pénurie de professeurs, carte scolaire, passage du public au privé, mixité sociale, remplaçants moins bien payés que dans le public, recrutements aux profils particuliers, ça fait beaucoup de sujets…
H.B. – Oui beaucoup de thèmes abordés. Intéressant le moment concernant les raisons d’un passage du public dans le privé, essentiellement pour son « climat éducatif ». Sans doute la « singularité du fonctionnement d’un établissement catholique » n’est-il pas pour rien avec sa « moindre segmentation », ses « équipes » et « sa communauté éducative incarnée ».
L.D. – Est-ce que ça reste un enseignement d’excellence ?
H.B. – L’enseignement catholique ? Oui, et même si les jésuites récusent aujourd’hui le mot – c’est dans la revue Études de ce mois-ci – l’élitaire (1) – le meilleur pour tous – que prône un certain enseignement privé ne perd pas de terrain. Témoignage intéressant à découvrir dans l’article du 3 février dernier de Dominique Seux dans Les Échos « Leurs années chez les jésuites ». Tout sauf banal !
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(1) À la différence de l’élitisme, le meilleur pour un petit nombre… Mot aimé de George Steiner dans Éloge de la transmission.
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