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De l’émancipation

émancipation

Carte blanche du 30 janvier 2017 – De l’émancipation

Louis Daufresne – Vous voudriez revenir sur les éléments de langage qui rebondissent dans les bouches des candidats à gauche : Emmanuel Macron dans son discours à Lille, Manuel Valls lors du débat télévisé mercredi dernier. Et ce mot c’est « émancipation ».

Hélène Bodenez – Oui c’est un mot clé de la modernité et du progrès tel que celle-ci le pense. Quand Emmanuel Macron lance le mot avec flamme dans ses meetings, que ce soit à Lille ou à Quimper, il le manie à l’intérieur de la problématique du travail et de « l’optimisme volontaire » qu’il entend proposer aux Français. En cela, on le perçoit voltairien, appliquant la morale du Jardin dans Candide : un bonheur, pas pour demain, possible dès ici-bas, certes limité mais accessible grâce au travail, le travail vu comme émancipation de l’individu et le faisant accéder à une autonomie épanouissante. « Le projet que nous allons porter est celui de l’émancipation, c’est la liberté encouragée pour celles et ceux qui réussissent et veulent entreprendre, faire, oser, tenter, elle est essentielle… » a-t-il dit.

L.D. – Pas exactement le sens dont s’était emparé Manuel Valls mercredi dernier

H.B. – En effet, voilà que sur le thème de la laïcité les deux lauréats socialistes s’affrontent à dague fine. Tout à coup Manuel Valls se lâche et lance à Benoît Hamon cette phrase : « Comme toi j’ai dû avoir une éducation catholique chrétienne et ensuite, grâce à l’école publique on s’émancipe de tout ça ». « De tout ça… » Ce pronom démonstratif familier, réduit et réducteur, en dit long sur le mépris de l’ex-premier ministre à l’égard de la religion catholique. Une religion vue comme pesante et contraignant l’homme, vue comme une tutelle dont il faut absolument se débarrasser pour être radieusement éclairé. Ce que dit ici Manuel Valls c’est que l’athéisme est l’émancipation suprême, gage de l’homme qui passerait enfin de la minorité à la majorité.

L.D. – Vous lui reprochez au fond une vision idéologue des choses

H.B. – Naturellement. Et permettez-moi d’évoquer un témoignage personnel. C’est ma réponse ce matin à Manuel Valls. Je voudrais lui opposer l’exemple d’un petit garçon, d’une famille d’instituteurs laïcs et pour beaucoup athées, qui faisait jeune le mur pour aller à la messe, qui a tôt vécu une vie spirituelle et mystique forte, a demandé le baptême, et a ensuite toujours aimé l’Église toute sa vie. Cet homme, c’était mon père. Cet homme, mon père, l’émancipation c’est précisément dans l’Église qu’il l’a trouvée. Contrairement à Manuel Valls, il s’est émancipé d’une éducation laïque. Il a trouvé cette belle autonomie en se mettant sous le joug léger et facile à porter du Christ.

L.D. – Manuel Valls n’a pas été suivi par les électeurs de la gauche…

H.B. – Non. J’étais hier pour ma part au meeting de François Fillon à la Villette avec les 15 000 personnes venues de toute la France. M’a marquée son insistance sur sa foi personnelle, ses racines « Je ne renie rien de ce qu’on m’a transmis » a-t-il asséné. Pas d’émancipation revendiquée comme à gauche mais la liberté. Je préfère !