Snowden d’Oliver Stone
« Carte blanche à » du 28 novembre 2016 sur Radio Notre-Dame – Snowden d’Oliver Stone
Louis Daufresne : Vous avez vu cette semaine le film, Snowden d’Oliver Stone, l’histoire du fameux lanceur d’alertes qui a révélé grâce à la presse la surveillance de masse illégale à laquelle se livraient les États-Unis
Hélène Bodenez : Oui et l’audacieux, exilé en Russie en un lieu secret, refait parler de lui cette semaine. La Norvège refuse de garantir de ne pas extrader le lauréat Snowden s’il s’y rendait pour la remise du prix Ossietzky de la liberté d’expression. Car les États-Unis le poursuivent toujours pour ce qu’ils considèrent comme trahison d’état, les événements de juin 2013. Obama ne veut pas pardonner la fuite de documents top secrets. C’est l’histoire de ces révélations hautement explosives que nous narre Oliver Stone. Le réalisateur habitué des biopics, multi-oscarisés, livre un film sobre, clair, sérieux. Pas de héros extraordinaire à première vue, un Américain lambda, réformé même de l’armée pour faiblesse constitutive. Le meilleur dans sa partie cependant, le cryptage et la sécurité informatique.
L.D. : Comment le film vulgarise-t-il des faits relativement compliqués ?
H.B. C’est la bonne question car c’est aussi la question que se posait précisément Janine Gibson, la rédactrice en chef du journal qui a publié le scoop (Prix Pulitzer 2014). Pour qu’il atteigne son but ce scoop, il fallait que ce fût compréhensible des lecteurs. Idem pour le film qui est une immense explication. Tout part de la chambre d’hôtel à Hong Kong en 2013 où se réunissent Snowden et les journalistes de l’édition américaine du Guardian et du Washington Post, qui vont et filmer et écrire leurs papiers de révélations. Tout cela secrètement. Snowden se raconte et le réalisateur use alors de flashbacks qui emmènent le spectateur à travers les étapes de la lente maturation vers la décision de tout dire. Ce n’est pas un coup de tête. Chaque épisode, les postes occupés, à la NSA, à la CIA, chez Dell, mais aussi à sa mesure la romance plante une logique, la logique d’un personnage cohérent qui obéit à un intérêt supérieur : il avait tout comme il le dit, une famille, une très bonne rémunération, une maison où il faisait bon vivre. Pourquoi abandonner tout cela si ce n’est pour obéir à sa conscience.
L.D. : Alors justement, Snowden a révélé que l’agence de surveillance américaine allait bien au-delà de ses prérogatives, surveillant le monde entier…
H.B. : Oui avec ses captations tous azimuts des métadonnées des appels téléphoniques aux États-Unis, ainsi que les systèmes d’écoute sur internet des programmes de surveillance. À ce titre, un passage du film est vertigineux : l’on voit comment les contacts de quelqu’un de surveillé sont dans le collimateur et aboutissent à la surveillance des contacts de ses contacts, et ainsi de suite. Bientôt, tout le monde est dans l’œil de Big Brother, tout le monde est suspect !
L.D. : Vous avez été frappée par la récurrence de l’œil.
H.B. : Oui l’élément clé. L’œil de Snowden derrière l’écran de ses lunettes, œil regardant l’écran de son ordinateur. Gros plans incessants sur eux mais aussi sur l’œil de la caméra de l’ordinateur, la très dangereuse webcam. Même désactivée, elle vous regarde…
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Voir également le documentaire Citizenfour de Laura Poitras (Oscar du meilleur film documentaire).