500 Timbrés de l’orthographe : sur le mode décomplexé
Nous voilà revenus des Timbrés de l’orthographe. Je ne suis pas peu fière de mes douze élèves d’une même classe sélectionnés ce samedi 6 juin pour la finale nationale. Rescapés des dix-neuf sélectionnés déjà pour la finale régionale en mars dernier, ils affichaient un large sourire. Les finalistes n’étaient plus que cinq cents des dix mille du départ. Beau résultat. Plusieurs ont bien réussi la dictée : nous avions vu le trait d’union du palais Jacques-Cœur le matin même mais le QCM avec sa longue question tarabiscotée à propos de l’impératif en a fait déraper beaucoup. Point de prix donc cette année. Je les félicite malgré tout, mes douze timbrés qui n’ont pas démérité, loin de là ! Bref, honneur à Jacques Cœur cette année, et à sa devise « À cœur vaillant rien d’impossible ». C’était le beau titre de la dictée.
C’est un joyeux bazar que ce concours, ça parle pendant les épreuves, les apparitrices jacassent, s’amusent. Lorant Deutsch s’éclipse avant la fin : théâtre oblige ! Mais c’est sympathique … et une bonne opération com’ surtout pour les partenaires ! La correction se discute encore au moment de la remise des prix : quattrocento avec ou sans majuscule ? Le corrigé dit sans, une Italienne avertie dans la salle se lève pour assurer que c’est avec…
Le numérique c’est bien, mais à petite dose
La représentante de l’Éducation nationale se fait quelque peu chahuter : « propagande » entend-on, « abrégez » ! Le facétieux Frédérick Gersal rattrape le coup, elle ne s’offusque pas. Ouf ! Il faut dire qu’il fait chaud et qu’il n’y a pas de place pour tout le monde : nous sommes tassés, par terre, dans les allées… Pourtant, j’aime son discours, net sur l’apprentissage de l’écriture dont il faut continuer à soigner le tracé (contrairement aux États-Unis qui l’ont abandonné). Et de citer des études scientifiques qui révèlent que l’écriture cursive est une aide pour la mémoire. Et de conseiller, un gentil sourire amusé aux lèvres, que le numérique, oui c’est bien, mais à petite dose. Merci madame ! Pourvu que vous soyez entendue.
Je reste malgré tout décontenancée du peu de rigueur de l’après-midi. Il fallait se résigner car c’était voulu ainsi à mon avis, tout sauf scolaire. L’esprit de sérieux devait être laissé à la porte. Il fallait créer du ludique, que l’orthographe soit enfin décomplexée. Et pour cela, il fallait par exemple introduire du salace dans les livres offerts comme dans le livre de Daniel Lacotte Les expressions les plus stupides de la langue française et leurs vraies définitions. Il était en effet plus qu’urgent que des élèves de onze ans (1) apprennent toutes affaires cessantes la signification de « La queue entre les jambes », ou ce que voulait dire « avoir le feu au cul » après un cunnilingus…
Ajoutons encore ceci à mes réflexions. J’ai constaté que la page Facebook comme le journal des Timbrés reprenait l’habitude du site du Projet Voltaire : celle de corriger de mauvaises tournures. Je ne crois pas que ce soit bon de photographier ainsi la mauvaise orthographe et de partir d’un mauvais emploi.
Robespierre, la personnalité incontournable
Me restera comme une interrogation d’importance, l’occupation du temps libre consacré à l’incompressible moment de correction avant la distribution des prix. Pendant ce temps-là, pour nous faire patienter, de courtes vidéos toujours sur ce fameux mode ludique, nous étaient présentées. Déjantées, elles s’intitulaient « À côté de la plaque » et nous expliquaient les rues de Paris ou des lieux de France en passant par les biographies de femmes et d’hommes qu’elles nommaient. Les élèves me rappelleront également l’explication entendue du nom de lieu La Canebière. Sachez que cela vient du chanvre ; au cas où vous ne sauriez pas ce que c’était, visualisez bien sur l’écran la plante identique … à celle du cannabis ! Et pour faire plus rigolo encore, une tête de rasta avec son bandeau multicolore vient achever le tout… Quel homme croyez-vous a été, entre autres, choisi parmi toutes les grandes personnalités que Paris a mises à l’honneur depuis des siècles ? Robespierre… J’ai naturellement pensé à Vincent Peillon : il se serait certainement réjoui, lui pour qui la Révolution reste à faire encore dans les esprits… Décomplexer la guillotine, la banaliser en en riant, moi j’ai eu du mal…
(1) 221 cadets sur les 500 finalistes