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Sale temps sur les mamelles !

radio Notre-Dame_blog notes 2016-2017

Carte blanche à du 29 août 2016

(Pas de fichier audio cette semaine, car le site de Radio Notre-Dame fait peau neuve et les podcasts ne sont pas accessibles actuellement.)

Louis Daufresne : Des vacances agitées. Une rentrée où les questions civilisationnelles grossissent dans le débat politique et médiatique. Les repères se brouillent. Vous avez relu un petit drame d’Apollinaire, Les Mamelles de Tiresias

Hélène Bodenez : En pleine affaire du burkini, il est bon de renouer avec les fondamentaux d’un certain féminisme. Quand on enferme les femmes, de quelque façon que ce soit, on aboutit à des absurdités. Dans le drame surréaliste d’Apollinaire créé en 1917 une femme se libérant de son mari se métamorphose … en homme. Elle change de nom, de Teresa elle devient Tiresias. Passage clé, le moment symbolique de la métamorphose, les seins se détachent du corsage de Thérèse. La barbe lui pousse au menton. Le burkini, c’est d’une certaine façon et paradoxalement une redite de ce « Débarrassons nous de nos mamelles » proféré par Teresa :

Le vice après tout est une chose dangereuse

C’est pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauté

Qui peut être une occasion de péché

Débarrassons-nous de nos mamelles.

Encager la femme sous un costume ou des voiles qui nient la féminité la plus évidente, la plus essentielle a quelque chose aussi de cela. Plus de seins. Plus de femme d’une certaine façon, même si évidemment la femme n’est pas réduite à ses seins. Reste une silhouette lourde, inesthétique à force de ne vouloir absolument rien montrer. J’aimerais continuer de vivre dans une société juste où une féminité de bon aloi, généreuse, se voit. Refusons les nouveaux Tartuffes qui voudraient cacher ces seins qu’ils ne sauraient voir !

L.D. : D’autres « mamelles », si je puis dire, vous interrogent

H.B. : À ce stade ma transition est sans doute bien osée ce matin au moment où une crise agricole est en train de monter dangereusement. Mais quand j’entends ce terme de « mamelle », je pense à Sully qui disait “Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France”. Mamelles non plus pour désigner le sexuel, mais pour signifier ce qui donne la nourriture essentielle, le lait qui fait grandir. Terme cru pour désigner une réalité naturelle de base, cette réalité d’une France vue comme femme et mère. En pleine crise des producteurs de lait, le gouvernement de Manuel Valls serait bien avisé de se rappeler cette phrase simple du ministre du roi Henri IV. J’ai entendu que les dernières négociations de Lactalis avec les producteurs de lait avaient royalement permis l’octroi de 15 euros de plus pour 1000 litres. Quelle indécence ! J’emploie à dessein le mot « indécence » dans une Europe qui en a plein la bouche pourtant de cette notion de travail décent. Le P.d.g. multimilliardaire de Lactalis ne craint, semble-t-il, aucune jacquerie, n’entend pas rencontrer ces sans-dents et réagit à coups d’huissiers et de contrats léonins. L’histoire est pleine de ces erreurs de nantis…

Bref ! Burkini, Lactalis, deux chaudes questions d’actualité d’une modernité tellement radieuse !