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Nice : l’attentat de trop ?

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@guybadeaux

De l’effroyable attentat terroriste du 14 juillet à Nice, que retenir des réactions des politiques et des médias ? Alors que le dernier jour de deuil national s’achève, que les minutes de silence vont prendre un caractère solennel aujourd’hui à midi et en particulier à Nice avec l’opération fleurs blanches, comment faire la part des choses ? Comment ne pas sortir groggy des “profils du tueur” et d’autant de “points sur l’enquête” que nous servent en boucle radios et télés ?

La clinique du lien social

Après les déclarations décalées du premier ministre et de son ministre de l’intérieur, après celles de l’ancien président de la république hier soir, assorties de reportages révélant que les “premières” victimes sont musulmanes alors même que moins de la moitié des victimes sont à ce jour identifiées, le vulgum pecus  se rend compte de la mise en place orientée d’une vulgate officielle. Tout juste si l’on ne lui dit pas que les ciblés étaient les musulmans. C’est ainsi que les journaux télévisés se sont attardés sur les familles musulmanes endeuillées. Zoom sur le clan des femmes voilées d’un côté, sur le clan des hommes aux mains jointes de l’autre. Victimes diverses et de tous horizons, veut-on absolument nous asséner, analyses de psychologues d’Entr’Autres (Clinique du lien social et Interculturalité) à l’appui. À force de le répéter de façon si grossière, les analyses en deviennent suspectes. Quelques précautions sont certes de mise et il est annoncé qu’on ne ferait pas de différence entre les victimes. Soit. Mais de l’annonce à la réalité, il y a une vraie distance. Qui a vu un reportage zoomant sur des victimes chrétiennes, bouddhistes ou athées en tant que telles ? L’union sacrée ne se fabrique pas.

Il aura donc fallu trois jours pour que soit effectivement reconnu terroriste le “tueur au camion” à Nice, profil d’abord psychotique, débauché sexuel ensuite. Le solitaire, trois jours après, est enfin reconnu beaucoup moins solitaire qu’on ne l’a dit au début. Bernard Cazeneuve hésitait un peu moins ce matin à affirmer les liens directs de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avec le terrorisme au moment où les gros titres des journaux révélaient quant à eux “l’effroyable plan” de l’assassin de masse.

Plus de place pour l’apaisement facile

Contrairement à ce qui est dit, l’exaspération des Français ne vient pas de ce que les politiques jouent à se renvoyer les responsabilités. L’exaspération naît de ne pas nommer les choses par leur nom, pire de laisser à un seul parti de les nommer, au FN. Pourquoi lui laisser les problèmes des frontières, de l’immigration et de l’islam ? Pourquoi ces questions seraient-elles propriété du parti extrême ? Pourquoi devrait-on les réduire et les métamorphoser en un seul problème de la laïcité ? Pourquoi les partis de gouvernement ne seraient-ils cantonnés qu’aux solutions caricaturalement faiblardes dont le pompon paraît être “les centres de déradicalisation” ? Ça rit dans les chaumières, Monsieur Sarkozy ! Fleurs, peluches, crayons, coups de menton sur twitter, hashtags #JeSuisNice, commémorations et mines contrites ne viendront à bout de rien. Leur répétition sonne partout au contraire un tocsin tragique. Il n’y a plus de place dans les cœurs pour l’apaisement facile des mots usés.

Le président de la république doit se recentrer sur ses pouvoirs régaliens : la sécurité des Français qui leur coûte en impôts des milliards chaque année doit être l’objet de toute sa concentration et de toute sa détermination. Le job est à ce jour loin d’être fait tant la dispersion est grande à gauche du côté des sujets sociétaux. Le dire ne contrevient ni à la vérité, ni à la dignité. Le nombre des victimes des dix-huit derniers mois – particulièrement des enfants à Nice – est là pour le hurler.

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