Le blog-notes de Radio Notre-Dame
Le blog-notes du 18 avril 2016 (Chaque lundi à 07:08 et 08:52) À 03.01 en réécoute sur le site de Radio Notre-Dame – Le Drapier d’Assise de Michel Sauquet, aux éditions Salvator.
Vous avez eu un coup de cœur pour Michel Sauquet, Le Drapier d’Assise aux éditions Salvator. C’est un livre dont vous voulez nous parler ce matin.
Tout le monde connaît la façon libre avec laquelle François d’Assise a embrassé Dame pauvreté. Franco Zeffirelli l’a immortalisé dans un film lumineux, François ou les chemins du soleil. Nu, il quitte tout et rompt avec ses attaches familiales de la plus rude façon : devant tout le village, devant un père, notable riche humilié.
C’est le point de départ justement de Michel Sauquet
Oui, l’humiliation. Le romancier imagine comment, des années plus tard, ce père toujours meurtri au plus profond de lui par ce qu’il a vécu, veut dire cette douleur ouverte, faille béante et toujours brûlante. Cela prend la forme de fragments, de lettres courtes à son fils, dans un style assez heurté. Il y a comme des hoquets de sanglots irrépressibles dans la phrase courte et nerveuse qui parcourt l’histoire. Dans cet essai de compréhension du geste fou de François, il y a un moi qui pleure en même temps qu’il se cherche, tout cela exhibé par un « je » frénétique et envahissant.
Ce père a sans doute beaucoup à dire aux pères d’aujourd’hui
Oui à des pères qui comme Pietro di Bernardone ont souvent tout donné à de jeunes ingrats, payé tant et tant à des insouciants, sans espoir de retour. Comme les pères de nos temps modernes, le père de François d’Assise a sans doute également trop projeté sur sa progéniture : son départ est donc vécu non comme choix de vie personnel et signe d’une émancipation légitime d’adulte mais comme une énorme trahison. Il avait d’ailleurs il faut bien le dire de bons arguments.
L’incompréhension est totale, et, semble-t-il, irréductible entre ce marchand de drap et son fils dont la démarche de pauvreté radicale, on peut l’imaginer, le choque profondément.
Oui mais – et c’est l’originalité du roman – ce qui s’apparente à un testament imaginaire du père de François révèle en même temps un cheminement, une modification lente, pour arriver à un retournement final inattendu. Très documenté, le roman pullule de petits faits vrais de la vie familiale, des frasques et des incartades de François, des admirations d’un père pour ce fils-là, qu’il avait comme bien deviné :
« Il m’arrivait déjà cependant, de remarquer chez toi quelques absences, une sorte de résistance diffuse, une ombre mystérieuse, comme si parfois, tu ne te satisfaisais point de ton état, comme si le doute t’envahissait, comme si tu n’avais plus goût à rien »
À la fin un renversement, ce n’est pas le fils qui se réconcilie avec le père…
Oui, comme une parabole du père prodigue. Il n’y a d’ailleurs pas que le fils qui espère un retournement du drapier d’Assise sa femme également dona Joanna Pica. L’énigmatique silence de François à l’égard de son père pourrait rester un mystère sauf que cette fin laisse voir que la réconciliation finale ne se joue pas à l’égard du fils, mais du père avec lui-même et avec Dieu. Un fils avait deux pères…