La Tunique d’Argenteuil attire les fidèles pèlerins
La ville d’Argenteuil, aujourd’hui plus musulmane que chrétienne apparemment, recèle pourtant un trésor chrétien inestimable. Depuis des siècles, une petite châsse dorée renferme, roulé très précieusement, un vêtement d’importance, une tunique sainte, celle qui a recouvert le Christ lors de sa Passion.
La tunique talaire
La tradition rapporte que c’est la Vierge Marie qui l’a tissée, d’une pièce. Sans couture. Des taches de sang du même groupe que celui imprégné sur le suaire de Turin se distinguent en y regardant de très très près. Difficile de différencier nettement le marron de ce sang séché sur une tunique elle-même marron et dont les déchirures ne se voient plus grâce à la sous-tunique aujourd’hui marron. Le travail récent de restauration se révèle en tout état de cause absolument remarquable.
Une tunique mariale donc que nous vénérons un 25 mars, jour habituel de la fête de l’Annonciation ; une tunique de grand prêtre qui renvoie à la tunique tombant jusqu’au talon de Jésus que nous vénérons un vendredi saint ; une tunique à laquelle la chasuble du prêtre renvoie comme l’emblème du sacrifice du Christ à la Croix ; cette tunique talaire du « fils d’homme » dans l’Apocalypse (1,13).
Hier, ainsi, un vendredi saint ouvrait l’ostension exceptionnelle liée au Jubilé de la Miséricorde voulu par le pape François. Tout débutait par un chemin de croix dans les rues d’Argenteuil que je ne pus rejoindre qu’à la dixième station. Une foule compacte et recueillie processionnait derrière une croix de bois, des berges de la Seine à la Basilique Saint-Denys. Mgr Lalanne et le père Guy-Emmanuel Cariot conduisaient la prière avec de nombreux prêtres et servants tandis qu’une jeune fille entonnait des chants traditionnels d’une voix chaude. Tout le monde reprenait avec une grande ferveur « Ô Croix dressée sur le monde… ». L’évêque de Pontoise et le curé-recteur de la Basilique ouvraient le chemin de croix.
La porte de la miséricorde, seule porte pour connaître les mystères de Dieu
Arrivés à la Basilique, après cette méditation de la Passion du Christ, nous étions prêts à entrer et à vénérer la relique : il faudra néanmoins attendre trois bons quarts d’heure, le temps que les sacs soient fouillés par la sécurité. Mais cela passe finalement assez vite. Auparavant, Mgr Lalanne avait parlé à la foule attentive que grossissaient beaucoup de jeunes visiblement heureux d’être là :
« … Après avoir prié pour tous les hommes, nous allons passer la porte de la Miséricorde car il n’est pas d’autre porte pour entrer dans les mystères de Dieu. Avec les prêtres, j’irai ensuite vénérer la sainte tunique du Christ en reprenant cette prière antique : Par ta sainte tunique, sauve-moi Jésus ! Que cette ostension solennelle soit pour tous les pèlerins qui viendront ici jusqu’au deuxième dimanche de Pâques l’occasion favorable d’une rencontre forte avec le mystère de la miséricorde, cette miséricorde qui exprime le cœur même de Dieu, cette miséricorde dont tant d’hommes et de femmes de toute condition ont besoin. Vous-mêmes, vous allez pouvoir nous suivre sur ce chemin. Et je souhaite que vous viviez avec gravité cette célébration de la Passion, que vous puissiez vivre de belle manière la veillée de Pâques dans laquelle des centaines d’enfants, cent cinquante jeunes adolescents, cent trente-six adultes vont être plongés dans ce mystère de la miséricorde, plongés dans la mort et la résurrection de Jésus. Alors vraiment je souhaite, à chacun et chacune de vous, à vos familles, à ceux qui vous sont chers, à ceux qui cherchent l’espérance contre vents et marées, leur dire la force du ressuscité…, leur dire que la vie, quoi qu’il arrive, est plus forte que toutes les morts… »
Une fois la porte franchie, vous arrivez devant une grande châsse et passez sans vous arrêter devant la Sainte-Tunique. C’est rapide mais intense pour peu que vous vous y soyez préparé, que vous ne vous y arrêtiez pas pour une photo, que vous fassiez vraiment silence. Peut-être n’est-ce d’ailleurs pas assez rappelé, ce silence… Beaucoup parlent et se croient sur un marché. À Turin, le long parcours avant la vénération y invite constamment jusqu’à la petite vidéo immédiatement avant de pénétrer sous le suaire. Mais, en s’extrayant de cet extérieur quelque peu agité, compréhensible au premier jour de l’ostension, on pouvait vivre ce moment dans une grande action de grâce. Chacun pouvait ensuite rester prier dans la basilique, sans être tout près de la Sainte-Tunique ; on la voit fort bien de partout.
De manière pratique
Savoir en outre d’un point de vue pratique que des panneaux flèchent tout le parcours dès la gare. Vous rendre à Argenteuil vous coûtera aller-retour plein tarif 7,10 euros à moins que vous soyez sous régime du Pass Navigo auquel cas vous n’aurez rien à débourser puisque Argenteuil se situe à dix minutes de la gare Saint-Lazare. Des toilettes sont accessibles, dehors, derrière la basilique. Tout est particulièrement bien organisé pour le pèlerin. Cinq mille personnes ont déjà « admiré » la Tunique, comme le dit Le Parisien Aujourd’hui en France. Le verbe « admirer » au fond n’est pas si mal trouvé dans son sens étymologique d’« étonner ». L’étonnement n’est-il pas le commencement de la sagesse ?
Et la sagesse dès lors, n’est-ce pas de se confesser, de retrouver l’état de grâce, de se réconcilier avec Dieu qui nous cherche toujours ? Des confessions sont d’ailleurs proposées généreusement : les prêtres se tiennent derrière la Sainte-Tunique, au chevet de la Basilique. Une occasion de plus que l’Église dans sa maternelle assistance nous donne de nous convertir. Nous bien sûr, toujours, mais d’autres aussi incroyants, athées, agnostiques, croyants d’une autre religion. C’est l’heure favorable d’amollir tous les cœurs endurcis, le pape nous en a rappelé l’urgence. Alors prions et invitons à prier. Demandons grâce et faisons grâce !
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