Tout le monde joue avec l’histoire : en bonne voie !
Hier soir France 2 proposait le troisième numéro de Tout Le Monde Joue. Après avec le cerveau, avec la mémoire, c’était avec l’Histoire. Stéphane Bern et Nagui ont ainsi pendant plus de deux heures tenu l’antenne de la chaîne publique en faisant rebondir des QCM ludiques où souvent l’absurde damait le pion au bon sens. Mais rien d’anormal. Dès le début de l’émission, nous étions avertis : il ne s’agissait pas de se croire à l’école, de passer un moment scolaire mais d’aborder une discipline – ô combien sérieuse ! – sur un mode « décomplexé ». Non, l’histoire n’est pas « rébarbative » ! Si parfois les plaisanteries furent lourdes, voire graveleuses, il fallait s’y faire car aujourd’hui quand le mot décomplexé est lâché, il faut s’attendre à un assaut de bas corporel. Cela dit, l’ensemble du divertissement a recelé des pépites.
C’est bien le latin
Du côté des invités, j’ai aimé les développements libres de Yann Queffelec en cultivé qui perd – toute une leçon ! – , la discrétion élégante de Claire Chazal en candidate sérieuse qui progresse. Du côté des animateurs, on notera surtout, en pleine querelle de l’école, la prise de position de Nagui à la cinquante-huitième minute (58:36) : alors qu’il s’agissait de savoir pourquoi les cardinaux élisant le futur pape étaient enfermés, l’étymologie latine de conclave cum clave est ainsi donnée à côté de la réponse simple : « pour gagner du temps », « les obliger à voter ». Et voici que Nagui, tout sourire, se lâche en conclusion :
« Comme quoi il est important d’avoir des notions de latin pour comprendre notre belle langue française. C’est toujours bien que le latin soit enseigné librement à tous les niveaux, à tous les enfants qui souhaitent apprendre le latin ».
Grave, claque alors la voix de Yann Queffelec en un « Bravo ! » satisfait. Puis, tonnerre d’applaudissements sur une dernière phrase de Nagui « C’est bien le latin »… « Pourvu que ça dure ! »…
Tout le monde joue et est noté sur 20
D’un point de vue technologique, une première à saluer. Les animateurs et les invités se tenaient derrière une tablette où j’ai d’ailleurs cru distinguer parfois le logo de la célèbre marque aux quatre carrés – cette surface géniale où j’écris d’ailleurs cette note. Les téléspectateurs quant à eux pouvaient se joindre en direct au jeu par une application gratuite à télécharger (expliqué dans la vidéo ci-dessous). Plusieurs fois dans l’émission, Nagui et Stéphane Bern en récapitulaient les scores à côté de ceux des invités. Scores qui avaient l’allure de notes … sur 20 ! J’ai ri intérieurement : au moment où l’école est en passe de les supprimer voici que la télévision les met à l’honneur. Le paradoxe n’est pas mince. Et Twitter avec son mot-dièse #TLMJ de voir monter instantanément les notes des uns et des autres affichées ! Sans complexes… Qu’elles soient mauvaises n’a traumatisé personne !
J’ai encore aimé la harangue de Nagui : « Rien à gagner ! ». Le téléspectateur, s’il jouait, jouait pour s’amuser, pour apprendre, pour la discipline elle-même. Que l’argent, pour une fois, ne soit pas directement le roi du jeu fait du bien. Certes les promotions des uns et des autres ont ponctué l’émission : pénible comédie musicale Le Roi Arthur, lourde bande-annonce du film Éperdument ! (pas pour tout public… ils ont tort de se mettre à dos les familles !), mais encore émouvante chorale d’enfants chantant La Marseillaise ; tout le monde, public compris, s’est levé comme un seul homme. Ce fut difficile même de reprendre la parole… Imperceptible, l’hésitation s’est vue. Chorale renvoyée se coucher un peu trop ironiquement…
Le Moyen-Age réhabilité
Retenons également le parti pris chronologique adopté : quatre moments, quatre temps de l’Histoire à l’heure où l’école abandonne la chronologie. À chaque fois une vidéo d’introduction était lancée (Le moyen-âge par exemple à 35:54), un peu trop rapide à mon avis pour que tout s’inscrive bien dans les esprits. Si l’expression « hiver, nuit du moyen-âge » a eu cours, on a entendu malgré tout que c’était une « expression réductrice » pour qualifier un grand moment de prospérité avec entre autres ses monastères, ses cathédrales… « Avec saint Louis, la France est à son apogée en Europe »… « Le moyen-âge est une période plus rose qu’il n’y paraît… une période d’essor… économique, religieux, culturel et artistique exceptionnel… Époque de bouillonnement intellectuel et artistique… » Si hiver il y eut, n’y voir là que « maturation », « germe » de l’époque moderne ! Ça va mieux en le disant…
Une émission en tout cas intéressante dans la haute vulgarisation à laquelle elle s’essaie. Pour ma part, je retiendrai parmi toutes les questions saugrenues posées, qu’ « être en grève », c’est « chercher du travail ». Jamais étymologie ne fut sans doute plus urgente à retrouver… Plus de trois millions de personnes furent au rendez-vous sur France 2, en troisième position après TF1 et France 3 qui proposaient toutes les deux des séries. Une belle réussite dans une concurrence difficilement détrônable…
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En pluzz pendant huit jours “Tout Le Monde Joue Avec l’Histoire”
Et si on jouait avec l’Histoire ? @Nagui et @bernstephane vous donnent rendez-vous ce soir et c’est en direct !https://t.co/AtlUz7Qgr0
— France 2 (@France2tv) 1 mars 2016