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Le blog-notes de Radio Notre-Dame

Le blog-notes de Radio Notre Dame

Le blog-notes du 22 février 2016 (Chaque lundi à 07:08 et 08:52) À 03.05 en réécoute sur le site de Radio Notre-Dame – Les Innocentes d’Anne Fontaine : vertiges de la pitié !

Vous avez vu Les Innocentes d’Anne Fontaine qui retrace un épisode barbare de la Seconde Guerre mondiale. Edouard Huber dans Famille chrétienne salue « la finesse de la psychologie et la beauté des images qui servent le mystère de la foi ». C’est un éloge que vous vouliez partager ce matin…

Oui et j’encouragerai même à aller le voir pendant le Carême où l’on a à cœur d’approfondir sa foi. L’histoire on la connaît désormais, les médias en ont largement donné la trame, ces bénédictines polonaises violées par des soldats soviétiques qui, lorsque le film commence, sont sur le point d’accoucher. Tout commence dans la hâte d’une course dans les bois enneigés. Un voile blanc flotte dans le froid, des pieds crissent dans le dur de la neige, une silhouette se dessine au milieu des squelettes des arbres dénudés. Introduction magistrale ! Pourquoi la novice se presse-t-elle tant ? Pourquoi est-elle seule ? Quelle force l’habite-t-elle pour braver dangers de la forêt, sévérité de la règle de vie religieuse ? Autant de questions que la réalisatrice pose dans un esthétisme sobre. Vous êtes pris dans une histoire sombre, lourde mais belle et grande. Vous le savez toute de suite.

Ce n’est pas qu’une fiction. Les faits réels sont horribles : vingt-cinq religieuses violées plus de quarante fois de suite, dont vingt tuées et cinq se sont retrouvées enceintes

Oui, c’est exact, ce fut d’une sauvagerie innommable. Anne Fontaine tire une fiction quelque peu éloignée de ces faits réels. Le témoignage qu’elle veut donner par le truchement de son film malgré quelques erreurs reste très fort. Mathilde Beaulieu n’est pas la Madeleine Pauliac dont le site Aleteia donne un résumé de vie édifiante. Jeune interne, communiste de culture, assistante d’un médecin juif, Mathilde – la Mathilde fictionnelle – est donc appelée à l’aide et accepte de secourir les sœurs avec un dévouement exemplaire, acceptant les périls des déplacements pour les visiter, le lourd secret pour que le couvent ne ferme pas. Il n’y a volontairement pas de charité catholique dans ce devoir qui s’impose, juste une solidarité féminine hors du commun confinant au sacrifice. Disons que l’attraction spirituelle œuvre malgré tout : si Madeleine refuse son aide dans un premier temps, la prière à genoux dans la neige de la novice la convainc ; si les sœurs au début l’agacent dans leur formalisme mortifère, leur innocence et leur bonté la touchent.

C’est le sujet du film, l’innocence de ces sœurs justement.

Oui et parce qu’il y a innocence bafouée, c’est de la passion de des sœurs dont il est question également. Les actrices choisies avec un visage si pur, au regard perdu dans un je-ne-sais-quoi de supérieur touchent. Ces destins broyés vivent la même tragique épreuve mais donnent des réponses individuelles divergentes : la jeune désobéissante, la vicaire mue par l’Esprit – magnifique sr Maria ! – et puis la mère supérieure écrasée par sa charge, violée elle aussi, malade de la syphilis et s’enfonçant dans une incompréhension terrible. Entre nuit de la foi, acceptation intelligente ou révolte même, ces vies de femmes impréparées à l’impensable nous emmènent dans des profondeurs de pitié inimaginables.