Le blog-notes de Radio Notre-Dame
Le blog-notes du 8 février 2016 (Chaque lundi à 07:08 et 08:52) À 03.22 en réécoute sur le site de Radio Notre-Dame – Haro sur l’accent circonflexe !
Louis Daufresne. : Retour sur la querelle de l’accent circonflexe… On va mettre un chapeau ce matin ! En tant que professeur, vous voyez cette querelle de quelle manière ?
Hélène Bodenez : Eh bien, Louis, mon premier réflexe c’est de lever les yeux au ciel ! Le deuxième de relayer plus sérieusement ce matin l’excellent Jean d’Ormesson pointant sur RTL le calendrier pour intervenir en la matière : “Ce qui me choque, ce n’est pas la réforme de l’orthographe, c’est qu’on la sorte en ce moment. La situation du pays est tragique. Jamais la France n’a été dans un état aussi mauvais d’un point de vue moral. Et c’est le moment qu’on choisit pour faire une réforme de l’orthographe. Je refuse de parler de l’accent circonflexe pendant que des agriculteurs se suicident » Eh bien Louis, je souscris à ce jugement sévère. C’est le plus mauvais moment, en effet, celui d’une réforme du collège très contestée qui a l’air de rogner toujours plus les fondamentaux d’écriture et de lecture. Et je rappelle à nos auditeurs que les enseignements individualisés, les petits groupes et autres personnalisations qui avaient reçu un large assentiment dans un premier temps vont se réaliser en amputant les heures disciplinaires, donc l’orthographe : l’on s’était bien gardé de le dire en les lançant.
L.D. : Vous pointez également la mauvaise foi du gouvernement qui renvoie la patate chaude du côté de l’Académie…
H.B. : En effet, vu le tollé engendré, le compte twitter du Gouvernement a réagi le 5 février : « Les règles en vigueur dans la langue française ne sont pas déterminées par le ministère de l’éducation nationale », dit-il. C’est l’Académie française qui a voulu cette simplification en1989. Au passage, relevons l’ironie de la réplique : un lien renvoyant à une page de l’éducation nationale à propos de la réforme de l’orthographe. Celle-ci était illustrée par une image d’une méthode de lecture syllabique. Comme si les écoles allaient apprendre désormais la bonne méthode de lecture aux enfants. Il n’en est rien évidemment ! Leurre ! C’est comme la dictée… On en parle mais on ne l’impose pas.
L.D. : Vous pensez que le ministère de Najat Vallaud-Belkacem est à la manœuvre dans cette histoire ?
H.B. : Bien entendu. Les socialistes se sont déjà largement passés de l’avis de l’Académie française. Je me souviens par exemple que Lionel Jospin avait promulgué un décret sur la féminisation des noms de métier ou de fonction oubliant parfaitement que rien n’autorisait son gouvernement à légiférer sur la langue. Sans culture historique de la langue on aboutissait de surcroît à des absurdités, les noms désignant des fonctions étant des mots neutres. En féminisant un mot que l’on croit masculin, on commet ainsi une faute. L’Académie française le précise « Les termes chercheure, professeure, auteure, par exemple, ne sont aucunement justifiés linguistiquement car les masculins en –eur font, en français, leur féminin en –euse ou en –trice (les rares exceptions comme prieure ou supérieure proviennent de comparatifs latins dont les formes féminines et masculines sont semblables. » Au fond, avec l’accent circonflexe, encore le latin dans le collimateur ! Et le viser, atteindre cette longueur de la voyelle, c’est en vider la mémoire latine !