Par

Un “C dans l’air” consacré aux francs-maçons

"C dans l'air" sur France 5 du jeudi 16 avril 2015.

“C dans l’air” sur France 5 du jeudi 16 avril 2015.

Il y a quelque huit jours, le Grand-Orient de France lançait la deuxième édition de ses « utopiales maçonniques » ayant pour thème “Construire le monde de demain”. Dans le même temps, le Grand-maître de l’obédience était l’invité de France culture et d’Europe 1. Jean-Marie Guénois, de son côté, dressait de Daniel Keller, pour le Figaro, un portrait élogieux. Jeudi dernier, ce fut sur France5 un C dans l’air entièrement consacré aux francs-maçons et à leur « retour en politique ». Une vaste offensive de réponses aux objections se déployait.

Ce fut une très subtile émission. Les francs-maçons essayaient-ils de sortir de vilaines images, celle de société secrète, celle de secte, dans lesquelles on peut les circonscrire ? Peut-être. En tout cas, les objections montent dans l’opinion publique. Il fallait y faire face. Plusieurs fois pendant l’émission, se posant en situation victimaire, les invités francs-maçons se sont insurgés contre ce qu’ils nomment l’antimaçonnisme rampant. Ainsi à les écouter, contrer la franc-maçonnerie – sur le plan des idées, non des personnes évidemment – deviendrait de l’antimaçonnisme. Serait-on en train d’essayer de créer bientôt le délit de maçonophobie ?

Religion laïque ou parlement souterrain ?

M’ont d’abord particulièrement marquée le fait d’abord que beaucoup de jeunes entrent actuellement en maçonnerie y trouvant des repères, les liens ensuite entre politique et franc-maçonnerie. Yves Calvi sans langue de bois interroge incisif : « A-t-on affaire à une religion laïque ou à un parlement souterrain ? » Et l’un des invités de répondre « Un peu des deux », l’autre « aucun des deux » Allons savoir !… La com’, pourtant, ce jour-là, était plutôt de dire que la perte d’influence des francs-maçons était bien là ce qu’Yves Thréard du Figaro a quant à lui voulu relativiser : « S’il y a moins de francs-maçons parmi les élus politiques, il ne faut pas négliger qu’il y en a beaucoup dans les cabinets ministériels. Quand vous êtes en cabinet, vous êtes influent, c’est vous qui faites marcher la machine de l’État. »

L’émission se poursuit sur les sujets de prédilection des travaux en loges, « sur des sujets de société » en « des domaines réservés » : la bioéthique, la dignité de l’homme, l’autonomie du sujet, la liberté de l’esprit ». L’un des reportages proposés au spectateur confirme que les lois de la contraception, de l’avortement étaient bien portées par la franc-maçonnerie. Derrière le député Lucien Neuwirth par exemple, Pierre Simon le grand-maître du Grand-Orient de l’époque. De la même façon, les invités du plateau d’Yves Calvi admettent qu’ils sont à la manœuvre concernant les lois actuelles de la fin de vie via l’association « cousine »  Aider à mourir dans la dignité.

Un grand étonnement malgré tout, la question du Mariage pour tous. Il semblerait que les francs-maçons soient restés comme ils disent, « sur le quai ». « C’est même devenu un syndrome dans les obédiences » qui d’habitude « réfléchissent entre elles avant de s’exprimer ». « Découvrir le sujet une fois qu’il est en débat, assènent-elles, c’est trop tard ».

Franc-maçon un jour, franc-maçon toujours ?

J’ai pour ma part du mal à y croire. Il y a une signature qui se repère. Et en tout cas, l’invitée a bien confirmé que la loi du Mariage pour tous correspondait de toute façon aux « valeurs » portées par la franc-maçonnerie. Que la négation d’une mobilisation populaire sans précédent ait des retombées inattendues, que le passage en force d’une loi impopulaire ait des conséquences imprévues sur le pouvoir et sur la démocratie, nul ne peut le contester, et surtout pas les francs-maçons pour une fois dépassés un peu comme pour le “non” au référendum européen. La faute à l’ère numérique et aux réseaux sociaux ? Faut-il dès lors les juguler comme l’annoncerait la future loi sur le renseignement ?

Pour finir, concernant Manuel Valls, l’un des invités a voulu préciser qu’il n’était pas franc-maçon, qu’il l’a été de 1989 aux années 2000. Un « parcours long » dans deux loges différentes d’un Grand Orient fort de cinquante-et-un mille maçons sur les cent soixante-quinze mille maçons de France. Je resterai volontiers sur la question d’Yves Calvi “Mais est-ce qu’on peut dire qu’on l’a été ? Ne le reste-t-on pas toute sa vie ? H.B.

***

Voir en  complément l’émission sur France culture le dimanche “Divers aspects de la culture contemporaine”. Le premier dimanche du mois est consacré à l’actualité du Grand Orient.