Par

Le blog-notes de radio Notre-Dame

Le blog-notes du 27 avril 2015 – “Quitter Richard Anthony avec un adieu” (À 03:37 sur le site de Radio Notre-Dame en réécoute).

James Combépine : Vous avez souhaité revenir sur la disparition du chanteur Richard Anthony qui est décédé la semaine dernière. 

Hélène Bodenez : Oui un dimanche soir ; et l’on va se quitter avec un adieu ! Voilà notre chanteur yéyé en route vers le dimanche qui n’aura pas de fin, vers ce « pays inconnu dont nul voyageur n’est revenu » pour reprendre un vers de Hamlet. Le chanteur était entre autres connu pour « Et j’entends siffler le train ». Je retiendrai pour ma part « C’est pour toi Seigneur », réécriture d’un tube des « Mamas et des papas » « California dreamin’ » « C’est pour toi Seigneur qu’ils ont tant marché/Tous ces voyageurs récompense-les !/La bonne surprise que tu leur ferais/La Terre Promise ils l’ont bien méritée…

J.C. : Ce qui vous  intéresse, Hélène, dans cette chanson, l’image de la vie comme voyage…

H.B. : Oui, l’image de l’homme en pèlerinage sur cette terre, en exode, ce temps de patience et de fatigue. Mourir c’est défaire enfin « les paquets ». Voyage pour moins de gris, pour plus de chaud. Cette « Californie » pour les uns, le Ciel, la Cité de Dieu, la Terre promise pour les autres, « bonne surprise » que ce lieu du dernier repos. Le très psychédélique « On ira tous au Paradis » de Polnareff voit le Paradis comme le lieu de rassemblement universel, indépendamment d’une juste rétribution des actes, très différente de la Terre promise espérée d’Anthony qui répète plusieurs fois que la Terre promise, ils l’ont bien méritée.

J.C. : Richard Anthony qui est né en Égypte d’un père syrien et qui avait célébré sa Bar Mitzah à la grande synagogue de Jérusalem, c’était en 1951…

H.B. : Oui et Richard Anthony a été enterré vendredi dernier selon son rite. La simplicité humaine de cette « Terre Promise » chantée en 1966 touche aujourd’hui au plus profond. Je pense d’ailleurs encore à une autre chanson, « J’arrive où je suis étranger » de Ferrat. Écrite par Aragon, elle met l’accent sur la même image, l’ultime étape vue comme pays inconnu. La terre que le chanteur ne connaît pas et qu’il pénètre, dans laquelle il s’installe – pour l’éternité croient certains – fait en effet de lui un étranger. Rien n’est précaire comme vivre/Rien comme être n’est passager/C’est un peu fondre pour le givre/Et pour le vent être léger/J’arrive où je suis étranger… Alors qu’Anthony dépose ses bagages, Ferrat met l’accent sur l’ultime métamorphose qui nous humilie, la mort. Accablé par la maladie, Richard Anthony a vécu ce temps de renonciation à tout pour reprendre les termes de Ferrat, a senti ces métamorphoses qui « font au-dedans de nous lentement plier nos genoux ». Paix à son âme !