Les Timbrés de l’orthographe : à l’assaut du zéro faute !
Hier après-midi, samedi 28 mars, se déroulait à Paris, dans le grand amphi de l’Université d’Assas, l’une des vingt-trois finales régionales de la cinquième édition des Timbrés de l’orthographe. Le monde entier y était convoqué, cent trente villes étrangères se joignaient aux villes de France mobilisées pour l’occasion. Ce concours est, en effet, organisé par les Les Éditions de l’Opportun Sarl en partenariat avec la Fondation Alliance française. Chaque année, un parrain VIP vient soutenir les candidats. Après Philippe Delerm, Éric-Emmanuel Schmitt, Tatiana de Rosnay, et Daniel Picouly, c’était au tour de Lornt Deutsch de jouer les piégeurs dans les méandres “de l’orthographe et de la sémantique françaises”.
Twitter s’est fait, bien entendu, l’écho du succès grandissant de ce rendez-vous populaire qui s’installe dans le paysage social et médiatique. À Rennes, 289 candidats, près de 300 à Toulouse, 123 à Nice, 500 à Rouen, 500 à Lille, 458 à Orléans, 350 à Amiens, 450 à Nantes, 700 à Bordeaux … Bref, plus de 10 000 candidats étaient ainsi convoqués dans 130 villes et 50 pays, prétendant à la finale nationale du 6 juin. Très encourageant, cet engouement au moment où l’école se refuse, une réforme de plus en cours, de satisfaire aux mesures faciles qu’elle devrait pourtant mettre en place ! L’Éducation nationale, principal soutien de cette si juste initiative, va-t-elle tirer les conséquences qui s’imposent ?
Changer de côté
Ce n’est que cette année, et tardivement, que j’ai entendu parler de ce concours. J’ai décidé d’y inscrire des élèves et de m’y inscrire par la même occasion. La tentation fut forte de ne pas m’y coltiner tant la peur de me ridiculiser s’accrochait. Le professeur de lettres, qui d’habitude corrige en rouge, devait changer de côté et se mettre en danger avec ses élèves. Mais tant pis pour le ridicule, et malgré le manque d’entraînement dans les finasseries du français, il fallait y aller, tenter l’épreuve aux côtés de sa classe.
L’expérience fut difficile : le nombre impressionnant de candidats convoqués à Paris n’a pas permis d’avoir le silence et la concentration requis pour un tel exercice. Mais comment s’affliger de ce succès et de cette fréquentation ? Les uns sur les autres dans le premier amphi, n’a-t-il pas fallu même ouvrir à la dernière minute un second amphi ? Enfin installés, nous “aiguis[âmes] nos plumes” : QCM puis dictée concoctée par Lornt Deutsch: “Le guêpier de Mérimée”. Comme Picouly l’année dernière, une mise en abyme, la dictée se prenant pour objet de dictée… Et pas des moindres, l’incontournable dictée de Mérimée !
La rose et la girafe
Tout est allé finalement assez vite ; il n’y a pas eu, de deuxième lecture concernant le QCM, QCM de dix questions pour les cadets, de vingt questions pour les juniors, de trente pour les adultes. J’avoue avoir perdu pied, çà et là, comme à propos de ces accents circonflexes supprimés sur certaines voyelles depuis la réforme de 1990 ou à propos de certaines expressions familières : me coûtent cher la rose et la girafe ! S’attarder sur l’une des questions vous empêchait de tenir la distance sur d’autres.
La dictée, lente au début pour les cadets, s’accélère ensuite ; force est de constater que je n’ai pas vu toutes les chausse-trappes. Vous voyez bien les difficiles et lourds subjonctifs, “bayer aux corneilles”, “psittacisme”, “arrhes” et “besicles”… Mais vous voilà étourdie, irrationnelle, ou dérapant idiotement sur “clepsydre”, le trait d’union de “sur-le-champ”, pire sur le genre d'”esclandre” ! Impardonnable, n’est-ce pas ?… Oui, vous avez bien raison. Qu’importe, puisque repartant penaude cette année, vous n’avez qu’une envie, celle de revenir plus entraînée l’année prochaine, plus avertie également ayant compris la logique du concours. Et puis, un peu d’humiliation, ce n’est pas mauvais pour l’humilité !
Il faut être absolument timbré ! D’orthographe !
C’est une très belle initiative que ces “Timbrés de l’orthographe”. Oui, il faut être absolument timbré ! D’orthographe, à votre guise… Celle-ci nous fait faire l’école buissonnière dans le dictionnaire, approcher le difficile de la langue par le jeu et la curiosité avivée. Les organisateurs l’ont bien compris dans leurs encouragements de tous les instants. Rien de plus satisfaisant, de plus utile surtout dans un temps d’élève comme dans le temps de la formation continue de tout adulte. H.B.
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Lire l’excellent article du blogueur (“A la fortune du mot”) de La Voix du Nord, Bruno Dewaele, le championdu monde d’orthographe.
Voir sur Youtube “Envoyé spécial du 12 mars 2015. Orthographe : Plus de la moitié des Français admettent en faire“
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Les meilleurs moments de la finale 2014
Le texte de Lorànt Deutsch
À la cour de Napoléon III, Prosper Mérimée fut une sorte de phare de savoir et d’intelligence. Par une après-midi pluvieuse de 1857, pour distraire les beaux esprits assemblés au château, l’auteur de Carmen eut l’idée saugrenue de leur soumettre une dictée… Quelques lignes seulement, mais qui offraient une terrifiante concentration d’écueils parmi les plus imparables de l’orthographe française ! Cris, effrois, la plupart des courtisans se désistèrent : ils refusaient de se ridiculiser publiquement pour des participes passés trop complexes. (fin cadets)
Pourtant, un petit groupe suivit l’empereur et l’impératrice, décidés à tenter l’épreuve pour ne pas paraître lâches aux yeux de leurs sujets. Réunis autour d’une grande table, dont l’usage fut pour l’occasion détourné de son service de la chère, les courageux participants aiguisèrent leur plume. Aucun d’entre eux ne bayait aux corneilles : il s’agissait plutôt de se remémorer, en un tournemain, règles d’accord et conjugaisons étudiées quelques décennies plus tôt. Mérimée commença à dicter lentement un texte où il était entre autres question d’arrhes réglées. À ces mots-là, non qu’elle voulût provoquer d’esclandre public, mais l’impératrice renâcla :
— Monsieur, vous vous moquez de nous ! (fin juniors)
Bientôt, les derniers mots de la dictée tombèrent. Quelle qu’eût été la difficulté du texte, Mérimée accorda à peine un tour de clepsydre aux concurrents pour se relire. Puis il ajusta ses bésicles dorées et se mit à corriger sur-le-champ…
— Que de fautes ! Que de fautes ! ne cessait-il de répéter, comme s’il eût été atteint de psittacisme. Pour autant, la sentinelle du bien-dire se vit plusieurs fois obligée de se reporter au texte pour s’assurer d’une graphie correcte. Enfin, Mérimée proclama les résultats :
— Le lauréat est le prince Richard de Metternich avec juste trois fautes !
Ainsi donc, le plus féru en orthographe et sémantique françaises était ce diplomate viennois, ambassadeur à Paris de l’empire d’Autriche. L’Empereur, dit-on, avait aligné quelque quarante-cinq fautes et l’impératrice quelque soixante-deux… Quant à Alexandre Dumas fils — qui avait quand même malmené l’orthographe à vingt-quatre reprises —, il se montra beau joueur et alla serrer la main du gagnant…
Le questionnaire et les réponses
1. Quelles voyelles peuvent porter un accent grave en français ?
a. a
b. e
c. i
d. o
e. u
Réponse : a, b, e
2. Parmi ces phrases, laquelle est correctement construite ?
a. Dis-moi c’est quoi qu’on gagne au concours.
b. Dis-moi ce qu’on gagne au concours.
c. Dis-moi qu’est-ce qu’on gagne au concours.
Réponse : b
3. Pour chacune de ces formes, donner le numéro correspondant à ses genre et nombre.
a. timbré
b. timbrée
c. timbrés
d. timbrées
1. féminin, singulier
2. féminin, pluriel
3. masculin, singulier
4. masculin, pluriel
Réponse : a3, b1, c4, d2
4. Dans la langue familière, on dit que ce qui ne sent pas bon ne sent pas :
a. le lilas
b. le muguet
c. le pissenlit
d. la rose
Réponse : d
5. Quel nom peut compléter la phrase « Il paraît que la factrice va se marier avec le… »
a. compte
b. comte
c. conte
Réponse : b
6. Quelle forme du verbe donne-t-on généralement dans les dictionnaires français ?
a. l’impératif
b. l’indicatif
c. l’infinitif
Réponse : c
7. On dit d’un candidat exclu d’un concours qu’il a été :
a. éliminé
b. enluminé
c. illuminé.
Réponse : a
8. Parmi ces formes, laquelle ou lesquelles ont pour infinitif avoir ?
a. ai
b. as
c. es
d. ont
Réponse : a, b, d
9. Lorsqu’on écrit une date, on met toujours une majuscule au nom du mois.
a. vrai
b. faux
Réponse : b
10. Quelle langue a donné au français tchao, synonyme familier de au revoir ?
a. l’anglais
b. l’arabe
c. le chinois
d. l’italien
Réponse : d
11. Quelle est la phrase correctement construite ?
a. Le facteur vient jusqu’à chez nous.
b. Le facteur vient jusque chez nous.
Réponse : b
12. L’expression familière avoir deux de tension fait référence au vocabulaire :
a. de l’électricité
b. de la médecine
c. de la physique
d. du sport
Réponse : b
13. Quelle est la forme conjuguée correcte du verbe s’émouvoir ?
a. je m’émeus
b. je m’émouvois
c. je m’émouvoie
Réponse : a
14. Lorsqu’il est conjugué à la 3e personne du singulier du présent de l’indicatif, le verbe étiqueter rime avec :
a. dicte
b. quête
Réponse : b
15. Dans un nom composé, quels éléments peuvent prendre la marque du pluriel ?
a. l’adjectif
b. le nom
c. la préposition
d. le verbe
Réponse : a, b
16. Le présent est un temps qui existe à tous les modes, qu’ils soient personnels ou impersonnels.
a. vrai
b. faux
Réponse : a
17. Pour chacun de ces noms, donner le numéro de l’anglicisme qu’il a remplacé.
a. baladeur
b. logiciel
c. oléoduc
d. séjour
1. software
2. pipeline
3. living
4. walkman
Réponse : a4, b1, c2, d3
18. Quelle est la fonction du groupe souligné dans la phrase « Comme chaque année, les copies des Timbrés seront corrigées par toute une équipe » ?
a. sujet de seront corrigées
b. complément d’agent de seront corrigées
c. complément d’objet direct de seront corrigées
d. complément d’objet indirect de seront corrigées
Réponse : b
19. Quel animal peigne-t-on lorsqu’on fait un travail totalement inefficace ?
a. le crapaud
b. la girafe
c. le lézard
d. la mouche
Réponse : b
20. Un verbe pronominal est un verbe :
a. qui peut s’employer comme nom
b. qui s’emploie avec un pronom réfléchi
c. qui se conjugue sans pronom
Réponse : b
21. La forme je moulais est l’imparfait :
a. du seul verbe mouler
b. du seul verbe moudre
c. des deux verbes mouler et moudre
Réponse : c
22. Parmi les phrases suivantes, laquelle constitue un palindrome ?
a. Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
b. Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.
c. Ésope reste ici et se repose.
Réponse : c
23. Parmi ces verbes, lequel ou lesquels se conjuguent toujours avec l’auxiliaire être aux temps composés ?
a. arriver
b. asseoir
c. disparaître
d. monter
Réponse : a
24. Parmi ces noms de mois, lequel ou lesquels sont sans rapport avec un nom de dieu romain ?
a. janvier
b. février
c. mars
d. avril
Réponse : b, d
25. Quel est l’intrus dans cette liste ?
a. il dira
b. il mira
c. il tira
d. il vira
Réponse : a
26. Quelle est la fonction de le dans la phrase « Il est timbré, timbré, il le restera » ?
a. attribut du complément d’objet direct
b. attribut du sujet
c. complément d’objet direct
d. sujet réel
Réponse : b
27. Pour chacun de ces mots, donner le numéro correspondant à sa catégorie grammaticale.
a. chacun
b. malgré
c. quoique
d. toutefois
1. adverbe
2. conjonction de subordination
3. préposition
4. pronom
Réponse : a4, b3, c2, d1
28. Si votre belle-mère vous marche sur les brisées, cela signifie :
a. qu’elle entre en concurrence avec vous
b. qu’elle suit votre exemple
c. qu’elle vous agace profondément
d. qu’elle vous ignore
Réponse : a
29. Depuis les Rectifications de l’orthographe de 1990, de quelles voyelles l’accent circonflexe peut-il être dans la plupart des cas omis ?
a. a
b. i
c. o
d. u
Réponse : b, d
30. Si l’on met au passif un verbe qui, à l’actif, a un attribut du complément d’objet direct, cet attribut devient attribut du sujet.
a. vrai
b. faux
Réponse : a