Le travail le dimanche est un déracinement
« On s’écharpe pour savoir combien de dimanches il faut travailler par an. » Raphaël Glucksmann était invité sur le plateau de Canal+ ce jeudi 26 février et sa petite phrase ridiculisant les défenseurs du repos dominical est passée inaperçue (curseur à 13:40). Les commentateurs se sont tous jetés comme un seul homme sur la critique des réacs ou sur l’affirmation radicale de la laïcité, avalisant ou réagissant.
Or, l’exemple du travail le dimanche n’était finalement pas anodin dans la démonstration. C’en était même sans doute le gond. Le fils du célèbre philosophe a en réalité tout compris. Dans sa diatribe, il regrette que la laïcité ne fasse plus effet, qu’elle ne déracine pas suffisamment les enfants, ne les enlève pas davantage aux clochers, aux terroirs. Comprendre : que la laïcité ne décatholise pas jusqu’au bout du bout. Certes. Et la question du dimanche travaillé participant à ce déracinement illustre parfaitement le propos.
Les nouveaux temples de la consommation auront-ils raison du “blanc manteau” des églises ?
Mais notre réalisateur ne devrait pas trop s’inquiéter. Si l’école n’y arrive plus, la sphère marchande prend le relais avec un zèle de tous les instants et une puissance inégalée, finira bientôt la tâche bien engagée. L’aide des Politiques est totale et transpartisane. Le secours viendra même des chrétiens donnant à la phrase de Nietzsche toujours plus de force. « Dieu est mort. Et c’est nous qui l’avons tué ». Qui « nous » ? Les chrétiens, ces « décroyants » toujours plus nombreux, à commencer par les patrons des grandes enseignes à la manœuvre. Ces chrétiens qui signent paradoxalement des pétitions pour sauver des temples de pierre quand eux-mêmes, temples de chair, ne voient pas le problème ou pire ont déserté les églises le dimanche. Frédéric Lefebvre pro-travail le dimanche en est l’emblème absurde avec ses satisfecit réguliers sur twitter concernant sa pétition. Pourquoi pleurer ? Les nouveaux temples de la rayonnante consommation ne suppléeront-ils pas ? Ne poussent-ils pas déjà comme des champignons avec pour horizon la destruction du « blanc manteau » des clochers, conséquence directe du pourrissement des âmes par Mammon ?
Un combat perdu ?
Le dimanche vécu spécifiquement en Occident depuis des siècles avait lentement formé la culture de notre haute civilisation, celle de la personne humaine. Essayer de sauver ce jour chômé de la destruction rapide relève désormais de la sauvegarde de chefs d’œuvre en périls. Certains me l’écrivent de plus en plus, m’invitant à baisser les bras : « c’est un combat perdu ». Je ne sais. Mais une chose est sûre : l’affaire du dimanche est une grande affaire culturelle, pas une affaire de réacs.