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Jours fériés : Manuel Valls au secours de l’islam

Courageuse Annie Genevard, député du Doubs, interpellant mardi le premier ministre, à propos des jours fériés d’origine chrétienne supprimés dans les DOM-TOM par un amendement adopté de la loi Macron. La réponse de Manuel Valls convoquant la « richesse de la diversité » et la tolérance en faveur de l’islam ne rassure pas, ne laissant planer aucun doute quant à l’issue d’une telle affaire. Remarquons à l’image, Emmanuel Macron hochant la tête et approuvant la fin de non recevoir du chef du gouvernement.

[Addendum 4 mars] Dans une interview au Parisien et reprise par Le Figaro (voir ci-dessous), le président de la république tacle l’amendement Bareigts, n’ayant rien à voir avec l’objet de la Loi Macron. Il semble pourtant qu’on ait à se méfier grandement. Marginaliser les jours fériés d’origine chrétienne en les diluant dans le folklore de certaines autres fêtes pourrait bien relever d’une première étape. Et comme le dimanche chômé dont la loi essaie de venir à bout, la suppression totale des jours fériés serait bel et bien dans les tuyaux.

« Ce n’était pas dans le projet de loi », se désole le président, qui reconnaît toutefois que ce sujet « peut se discuter ». Mais il prévient : « Cela n’a rien à faire dans un texte qui porte sur l’activité, la croissance et l’emploi. » Si le Conseil constitutionnel estimait que tel était le cas, il pourrait censurer cet amendement. En effet, la Consitution prévoit qu’un amendement n’est recevable que s’« il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Dans le cas contraire, c’est ce qu’on appelle un « cavalier législatif ».

Annie Genevard, député UMP du Doubs : Monsieur le Premier ministre, à la faveur d’un cavalier législatif, un amendement au projet de loi « Macron » a été adopté, permettant de substituer aux fêtes d’origine chrétienne d’autres jours fériés en outre-mer au motif de spécificités culturelles, religieuses et historiques.

Cette décision choque un très grand nombre de nos concitoyens. Elle est en contradiction avec ce que demandent régulièrement nos collègues d’outre-mer. En effet, on ne peut pas tout à la fois demander une équité de traitement avec la métropole et, au nom de la singularité, réclamer un traitement différencié. La République est une et indivisible ! Demain, qu’est-ce qui empêchera tel ou tel territoire de métropole, au nom de la prévalence d’une religion ou d’une histoire qui lui serait propre, de vouloir à son tour fixer ses propres jours fériés ?

En bouleversant un temps collectif façonné par les siècles et la tradition, les Français, qu’ils croient au ciel ou qu’ils n’y croient pas – comme disait Aragon –, vivent comme une dépossession ces atteintes à ce qui compose leur calendrier, leurs fêtes, leurs rites, leur histoire, leur culture. De même, la contestation des marchés de Noël, de la crèche ou encore des noms donnés aux vacances scolaires est très mal vécue et, loin de les apaiser, exacerbe les tensions.

Notre pays sort des événements du 7 janvier extrêmement fragilisé. Tout gage donné au communautarisme, dans un contexte où notre pays, la France, a tant besoin d’unité nationale, ravage un peu plus ce qui fait notre identité commune.

Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour empêcher des initiatives, de plus en plus nombreuses, qui divisent les Français ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, au cours de l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité, un amendement a été déposé par Mme Ericka Bareigts. Cet amendement visait à prendre en considération, ne l’oublions pas, ce qui est la réalité du département et de la région de La Réunion. En effet, quand on examine les choses de près – car, comme vous, je m’y suis rendu à plusieurs reprises –, on constate qu’il existe là-bas un modèle, différent de celui de la métropole mais profondément français, qui a toujours laissé la place à la plus grande tolérance envers les cultes qui sont représentés dans l’île, et notamment, parlons clair, envers l’islam. Peut-être pourrions-nous, comme l’ont suggéré divers travaux – je pense notamment à la mission présidée par Jean-Louis Debré –, nous en inspirer, ne serait-ce que dans la manière d’aborder ces questions.

Le Gouvernement avait émis sur cet amendement un avis de sagesse, de manière à laisser le débat ouvert et les parlementaires libres de s’exprimer par le vote. Comme je pense que vous êtes soucieux des prérogatives du Parlement, j’imagine qu’au Sénat comme à l’Assemblée, nous aurons l’occasion de revenir sur ces sujets dans le cadre d’un débat apaisé.

Comme Najat Vallaud-Belkacem, Bernard Cazeneuve et moi l’avons souligné ce matin à Strasbourg, la diversité est une richesse pour notre pays, elle doit être une force, et elle est de toute façon une réalité. Dans le même temps, les valeurs communes qui nous rassemblent doivent être encore plus fortes.

 

À l’occasion de ce type de débat, à condition de ne pas créer de confusion ni montrer quiconque du doigt, à condition aussi d’oublier les mots qui blessent, bref en travaillant de manière apaisée, je pense que nous pourrions trouver ensemble la bonne solution, en nous inspirant davantage de ce qui se fait dans les départements et territoires d’outre-mer.