Quand la communication du gouvernement veut faire prendre des vessies pour des lanternes
On l’a assez dit : la Loi Macron est un vaste fourre-tout. Nombre de personnalités de l’opposition, dont par exemple Bruno Retailleau, évaluent la Loi Croissance et Activité comme une loi qui ne va pas assez loin, comme un ensemble de réformettes qui ne modifieront pas en profondeur le paysage économique de la France. Si nous citons en premier lieu Bruno Retailleau et non le vindicatif François Fillon c’est que le Président du groupe Les Républicains au Sénat fait partie des rares à défendre encore le repos dominical.
Le coup de com’ de la semaine
On sait comment l’autoritaire gouvernement de Manuel Valls a dégainé le 49.3 pour imposer la Loi du jeune ministre de l’Économie. Elle est, par ce biais, définitivement passée ce 9 juillet. L’opération qui s’est habillée de volontarisme n’a donc été rien d’autre en définitive que brutalité. Mais les pots cassés gisent à présent sur l’avant-scène médiatique faisant tout de même plus que désordre ; un petit lifting s’imposait pour que la Loi présente un visage aussi lisse et souriant que celui de l’endurant ministre qui l’a portée. D’où le final du coup de com’ de ce week-end et quel coup de com’ !
Acte Premier. Le site du gouvernement met sur le pied de guerre sa boîte de communication pour imaginer « le premier feuilleton web d’anticipation de l’application d’une Loi » comme l’intitule l’infographie parue sur Twitter. Son titre ? Une semaine avec la Loi Macron. Plusieurs interventions du Premier ministre dont l’une au micro de Jean-Jacques Bourdin ont en effet laissé entendre que les décrets d’application verraient le jour rapidement et que les magasins pourraient ouvrir le dimanche dès septembre. Il faut par conséquent anticiper. Quoi de mieux qu’internet et les réseaux sociaux pour dérouler le tapis rouge à la Loi ? Go ! Go ! Go !
Acte deuxième. Le feuilleton. Il comporte sept épisodes et se veut aussi décomplexé dans le genre que dans le langage ; l’onomastique emprunte d’ailleurs autant à Tintin qu’à Astérix. Lundi : Johann parviendra-t-il à partir en vacances ? À l’honneur, les cars. Mardi : Samuel trouvera-t-il un accord à l’amiable avec son employeur ? À l’honneur, la réforme prudhomale. Mercredi : Ahmed décrochera-t-il son permis de conduire ? À l’honneur, la création d’un service universel du permis de conduire. Jeudi : Sabrina conclura-t-elle sa première vente ? À l’honneur, les zones de libre installation des offices notariales. Vendredi : Antoine obtiendra-t-il des actions de sa start-up ? À l’honneur, la simplification des attributions gratuites d’actions. Samedi : Maï et Samuel trouveront-ils l’appartement de leurs rêves ? À l’honneur, le développement du logement intermédiaire. Dimanche : Ahmed croisera-t-il Marie en faisant ses courses au SuperPrix ? À l’honneur, les compensations du travail le dimanche. Autobingo, SuperPrix, autant de noms propres qui laissent supposer que croire à la Loi Macron équivaut à empocher bientôt et à coup sûr le jackpot. « De nouveaux droits » avait promis le ministre socialiste. Le bonheur ? Une idée neuve en Macronie. Le rideau tombe. Entracte.
Faire oublier au prix fort le 49.3
Acte troisième. C’est le moment de l’infographie sur les réseaux sociaux. Du 13 au 19 juillet. Une infographie par jour pendant une semaine, 14 juillet compris, à partir des comptes des réseaux sociaux du gouvernement. Les slides des différents jours sont prêts, riches de leur unique point de la loi Macron dont il faut faire l’apologie. Le gouvernement entend payer le prix fort pour faire oublier le 49.3. Facebook et twitter bruissent pendant sept jours. Acmé de la pièce.
Acte quatrième. Résultats et premiers constats, premières moqueries sur les réseaux sociaux de cette semaine à MacronVille. L’article de Nathalie Birchem, la spécialiste du travail le dimanche à La Croix se montre grinçant. Peu de retweets. Peu de partages sinon de personnes acquises. Qui convaincra-t-on par ces biais réducteurs à l’heure des attentats terroristes, de la crise grecque, de la déconfiture de la Bourse chinoise, des actions paysannes ? Certains commentaires de personnes pas dupes émergent enfin. S’achemine-t-on vers une bonne fin ? Sera-ce une comédie ou une tragédie que cette communication léchée ?
Acte cinquième. Le sommet de l’épisode 7. Arrangée en une semaine, l’opération de com’ en a gardé la montée et donc l’ordonnancement. Les six jours préparent le joyau de la Loi, l’ouverture des commerces le dimanche, qu’on entend imposer au passage dans des proportions plus larges encore à la Grèce. Comme symbole de cette avancée majeure, deux prénoms émergent : Ahmed et Marie. Se croiseront-ils en faisant leurs courses le dimanche à SuperPrix ? Ubuesque symbolique des prénoms prétendant résoudre la question interreligieuse moderne à coups d’espèces sonnantes et trébuchantes. D’ailleurs à MacronVille il n’y a pas d’église. Marie, c’est cette femme élevant seule ses enfants et qui après une journée de travail le dimanche n’aspirera qu’à un plateau repas et à un DVD. Et voilà le pataquès ! Manger devant un écran le dimanche. Jolie démonstration en vérité que ce programme de vie, illustration puissante du bonheur consumériste sous Loi Macron… Nous sommes loin de « l’élévation spirituelle » que l’Allemagne met au cœur de sa Constitution concernant le repos dominical strict qu’elle s’impose comme l’Autriche, deux pays qui ne se portent pas si mal en Europe… Ratage complet de l’épilogue de la mini série web quand précisément la fin donne sens à l’ensemble.
Une sous-production littéraire qui prélude d’un fiasco
Le dictionnaire a toujours raison. Donnons-lui donc le mot de la fin. Roman-feuilleton : sorte de rez-de-chaussée, bas de page d’un journal, sous-production littéraire. Histoire qui paraît invraisemblable. Le simplisme voulu par les communicants du Gouvernement les a pris à leur propre piège. Pour l’heure, les semaines à venir nous diront si la fiction se transformera en réalité, si des milliers d’emplois seront au rendez-vous comme promis. M’est avis que la Loi Macron sera une belle arnaque notamment concernant les prétendues compensations du travail le dimanche. Le 49.3 ? Un sparadrap dont les socialistes ne se débarrasseront pas de sitôt en 2017 !