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Le président de la république au Vatican : l’avertissement du Latran

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Le 26 juin dernier, le président de la république française, chanoine du Latran, a été reçu par le pape François au Vatican. Étrangement, le compte twitter de l’Élysée n’en a pas du tout fait état quand celui des Informations du Vatican a relayé l’événement abondamment. Comment interpréter ce silence de la com’ de l’Élysée qui ne s’est pas tue par exemple au moment de la fête Queer de la musique ? Pourquoi ne pas relayer une visite de chef d’État à un autre chef d’État ? Que signifie ce silence dont on ne peut pas penser un seul instant qu’il ne soit pur hasard ? Pourquoi seul le compte personnel d’Emmanuel Macron communique là-dessus ? La rencontre avec le pape serait-elle une démarche finalement plus personnelle, plus privée qu’engageant la république, la France ? Cette bataille de tweets et surtout de non tweets révèle-t-elle une sorte de sectorisation entendu du religieux ?

La boussole inscrite dans le cœur de l’homme

La visite était pourtant apparemment réussie. À preuve les longues minutes d’entretien privé, les cadeaux hautement symboliques, l’accolade échangée très chaleureuse de l’ancien élève des jésuites et du pape jésuite. Brigitte Macron, ancien professeur d’établissements jésuites à Amiens et à Paris, de noir vêtue, très discrète et intérieure, a répondu de son côté par de larges sourires aux moments de franche cordialité du moment très solennel. Événement d’importance.

Puis ce fut la cérémonie à la Basilique de Saint-Jean de Latran, “église mère de toutes les églises de la ville et du monde comme cela est inscrit en latin sur la façade de cette basilique”. Une première allocution fut prononcée par Mgr Angelo De Donatis accueillant le président de la république. À noter, le passage sur la dignité humaine dans la ligne du discours du pape François au Parlement européen en 2014. “Parler de la dignité de l’homme signifie donc de faire appel à sa nature, à sa capacité innée de faire la distinction entre le bien et le mal, à cette boussole qui est inscrite en nos cœurs et que Dieu a gravée dans l’univers créé” puis à la fin “Vous aussi vous faites partie de la réalité du Latran… Une antique tradition se perpétue, il faut souligner les efforts des hommes de bonne volonté en Europe fondée sur les racines culturelles liées à celles de la tradition judéo-chrétienne”. Les remerciements formels du nouveau Chanoine dureront à peine cinq minutes.

“Absolument”

 

Jusque-là, rien à dire. Splendide cérémonie empreinte de hauteur et de profondeur, d’authenticité émouvante pourrait-t-on même dire lorsque l’on voit la première dame chanter le Pater et le Salve. Tout ce que nous entendions concernant la restauration de la verticalité de la fonction présidentielle se trouvait confirmé. Mais lors de la conférence de presse, comme cela était déjà présent dans le discours des Bernardins, Emmanuel Macron a rajouté ceci : “J’ai à vous demander de respecter absolument les lois de la république”. Alors que tout se déroule au mieux, dans une entente cordiale, il y a cette injonction et pas des moindres avec en son cœur l’adverbe “absolument” modalisant le verbe “respecter” synonyme, mine de rien, “d’obéir”.

Cet “absolument” est à entendre vraiment car il est lourd de menaces et pourrait entailler profondément l’objection de conscience si connaturelle non seulement aux catholiques mais aussi à tout homme à la raison droite que les bouleversements anthropologiques vers lesquels on va toujours plus choque. On ne peut pas d’un côté dire que la laïcité n’est pas une contre-religion et demander de respecter “absolument” les lois de la république comme si elle en était une, république dont le président de la république serait alors au fond le grand prêtre. Il y a là contradiction admirable !

Le mauvais pressentiment du Latran

Bien entendu sur fond de vote imminent des lois de bioéthique, lois qui ne font pas du tout consensus comme l’ont démontré les États-Généraux, il y a là de quoi s’alarmer. On a l’impression qu’Emmanuel Macron avertit, veut devancer les réactions à ce vote qui se fera, réduisant un possible Non à la PMA, à la GPA, à l’euthanasie à un Non à la république, à sa laïcité, réduisant l’opposition à ces pseudo avancées sociétales à un jeu de pouvoir d’une religion quand il s’agit non pas de religieux mais d’anthropologie. On a l’impression que non content de n’avoir eu aucune manif dans la rue avant le vote, il faudrait de surcroît dire Amen après avec un grand sourire ! Mais – faut-il le rappeler ? – quand l’Église parle elle ne le fait pas en direction des seuls catholiques mais de tout homme. La “boussole” donne la direction de vie à tous.

L’ironie est formidable : ne pas avoir l’air de prêter allégeance à la religion chrétienne jusqu’à en prendre le contre-pied systématique et en même temps intimer à l’avance à ces chrétiens, contre leur conscience, de prêter allégeance à une république qui les persécute dans ses lois. À tout le monde liberté de croire ou de ne pas croire sauf aux chrétiens dans la fine pointe de leur foi ? Ou si liberté de croire leur est octroyée ce serait au fond du bout des lèvres et surtout vidée peu à peu de son objet de foi ? Eh bien, ce n’est tout bonnement pas possible. L’opposition Créon/Antigone n’est pas qu’une belle page de littérature à expliquer. Entendez-nous, entendez notre supplique. Ne violez pas notre conscience, M. le Président !

 

Lire sur le site de France Catholique “Après la visite d’Emmanuel Macron”


Lire sur le site de La Croix “Revivez la journée d’Emmanuel Macron au Vatican à la rencontre avec le pape”


Lire sur le site de Vatican News “Emmanuel Macron prend possession du titre de chanoine d’honneur du Latran”


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Écouter sur KTO TV l’analyse de Mgr Rougé sur un possible “passage en force soft” d’Emmanuel Macron.