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Le blog-notes de Radio Notre-Dame

Le blog-notes du 15 juin 2015 – Il faut protéger notre maison  (À 04:04 sur le site de Radio Notre-Dame en réécoute)

Louis Daufresne : c’est l’encyclique verte du pape François, vous êtes sensible au thème de l’écologie, vous l’attendez cette encyclique…

Hélène Bodenez : Je l’attends. Et pour vous en parler, je voudrais évoquer un souvenir. En 2006, j’avais vu au Théâtre du Châtelet une version de l’opérette Candide de Bernstein pour le moins originale. Le metteur en scène Robert Carsen avait transposé le propos dans les années cinquante, celles de l’ère Kennedy, le Château de Thunder-ten-tronckh c’était la Maison Blanche, la guerre celle du Vietnam, le fanatisme le Ku-klux-klan, l’esclavage n’était plus vu sous l’angle du nègre de Surinam mais d’un pauvre éboueur. Et au centre de l’œuvre, le mal qui faisait son mauvais œuvre dans le monde, l’argent, malmenant Candide et Cunégonde, et particulièrement les compagnie pétrolières. À la veille de la sortie de l’Encyclique du pape François, Laudato Si il me plaît de convoquer le chœur final « Make our Garden Grow » traduction de la célèbre conclusion du conte philosophique de Voltaire « Il faut cultiver notre jardin ». Sur la scène, les comédiens réunis chantaient devant un écran où passaient des images. Se succédaient détruisant la petite planète bleue, marée noire, déforestation, pollution industrielle, fonte des glaces et réchauffement climatique, pauvreté humaine et camps de réfugiés, décharges de déchets, ces écuries d’Augias comme les appelle Hubert Reeves dans un de ses livres de vulgarisation Mal de terre.

L.D. : Une nouvelle morale du jardin ?

H.B. : Absolument. Voltaire voulait que l’homme émancipé de toute tutelle puisse croire à un bonheur possible aussi sur terre, hic et nunc, pas seulement dans l’au-delà, il pensait que ce bonheur existait mais qu’il était limité. Cette idée du bonheur passait dans la fiction satirique par la petite métairie qui rassemblait dans l’épilogue les personnages. Robert Carsen transpose, actualise, élargit ce jardin à cultiver aux dimensions de toute la terre. À l’heure de la globalisation des marchés, des transports, « il faut cultiver notre jardin » devient « il faut protéger notre maison » et toute la petite communauté des hommes de la maison Monde, cette maison commune dont parlait le pape François hier ! L’hymne final se transformait en superbe hymne écologique qui avait été, je m’en souviens très bien, applaudi à tout rompre. Rien de plus juste quand on sait que le mot écologie vient du grec oïkos qui veut dire maison.

L.D. : Alors cette encyclique sera un événement ?

H.B. : Oui naturellement. Mais toute encyclique d’un pape est écologique au sens où l’expertise en humanité de l’Église fonctionne alors à plein replaçant toujours l’homme au cœur de la création, la création étant pour lui. La défense écologiste ne doit pas être le lot d’ultras. Jean-Christophe Rufin dans le Parfum d’Adam les met en scène. Juliette commet un attentat contre un laboratoire d’expériences sur les animaux et s’afflige sur un ouistiti dont on bafouait « les droits ». Ceux-là qui ne protègent la planète que pour elle-même sont prêts à détruire l’homme vu comme danger pour la planète. N’oublions pas que dans le récit biblique, si l’homme n’apparaît qu’au sixième jour, c’est qu’il lui fallait un environnement pour vivre et être libre : ce vital berceau que créa Dieu pour lui les six autres jours. Ne le détruisons donc pas sous peine de nous détruire nous-mêmes.