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Combattre ensemble la pédophilie et la pornographie

Par François Allais

Collègue de lettres à Saint-Louis de Gonzague/Franklin (Paris), François Allais enseigne les lettres classiques en collège et en lycée. Il assume en outre par intérim la charge de préfet des études des classes de troisième. Je lui donne volontiers la parole sur mon blog.

Depuis plusieurs années, la lutte contre la pédophilie dans notre société contemporaine a sans doute pris une ampleur sans précédent, notamment grâce aux voix de nombreuses victimes qui ont fini par briser le silence où d’aucuns auraient sans doute bien voulu les enfermer.

L’ Église prend le problème de la pédophilie à bras-le-corps

L’Église catholique elle-même s’est douloureusement retrouvée sous les feux de l’actualité pour n’avoir sans doute pas su neutraliser et châtier à temps, comme il convenait, tous les ecclésiastiques coupables d’abus sexuels criminels sur des mineurs, voire sur des personnes majeures qui se trouvaient à leur merci et en état de faiblesse. Certes, il serait injuste et totalement faux d’affirmer que l’Église n’a jamais rien fait pour s’attaquer à ce mal (1), et il faut reconnaître que, aujourd’hui, elle prend le problème à bras-le-corps.

Rappelons à ce titre la longue tribune publiée par le pape émérite Benoît XVI en avril 2019, dans le mensuel du clergé bavarois Klerusblatt (2) et les deux dernières actions importantes du pape François : l’organisation au Vatican, du 21 au 24 février 2019, d’un synode sur « La protection des mineurs dans l’Église », qui a réuni tous les présidents des épiscopats nationaux, cette réunion extraordinaire visant à mettre en place les moyens nécessaires à la lutte contre les abus sexuels sur mineurs de l’Église, puis, le jeudi 9 mai 2019, la publication de son motu proprio intitulé Vos estis lux mundi (Vous êtes la lumière du monde) renforçant l’obligation de dénoncer les crimes sexuels dans l’Église ainsi que leur couverture. (3)

Révéler aussi ses trésors cachés de sainteté

Malgré cela, en raison de la multiplication des affaires de pédophilie en son sein partout dans le monde, l’Église catholique a vu et voit encore son image gravement et dangereusement flétrie — même si beaucoup de chrétiens savent bien que leurs brebis galeuses sont une très petite minorité — et il lui faudra beaucoup de temps pour retrouver ici et là un véritable souffle missionnaire qui suscite confiance et bienveillance de la part de ceux qu’il est censé atteindre.

Il faudrait notamment pour cela qu’elle révèle davantage au grand jour tous ses trésors actuels de sainteté, à travers tant d’hommes et de femmes, religieux ou laïcs, qui partout professent solidement et dignement leur foi, et dont certains sont aujourd’hui susceptibles de devenir de grandes figures charismatiques méritant l’attention des médias.  

Le combat contre la pédophilie dépend d’un autre combat celui contre la pornographie.

Mais le combat contre la pédophilie, très loin d’être terminé, dépend aussi d’un autre combat tout aussi important, celui qu’il faut urgemment mener contre la pornographie. C’est contre elle aussi que peut agir efficacement l’Église catholique ― et le faire tout à son honneur — avec les autres églises et religions du monde, en agissant de concert avec les différentes autorités morales et politiques de tous les pays.

La pornographie sous toutes ses formes connaît aujourd’hui une extension aussi considérable que préoccupante dans le monde entier, favorisée bien sûr par l’arrivée des nouvelles technologies de diffusion et de propagation des images que sont Internet et la téléphonie mobile. Ces nouveaux médias, surpuissants outils de communication, permettent une croissance quasi exponentielle de l’industrie du sexe qui peut atteindre ainsi à peu près toutes les strates de nos sociétés humaines, tout cela sous le regard indifférent, sinon complice, des autorités ou des dirigeants de la planète, et tout cela bien sûr au nom de la liberté !

La pornographie : forme d’agression sexuelle diaboliquement organisée

L’hypocrisie générale qui fait de la pornographie un divertissement ― alors que ce n’est qu’un pervertissement — prétendument réservé aux adultes, veut nous faire ignorer qu’elle atteint très facilement nombre de mineurs, sans qu’aucune parade efficace n’ait jusqu’ici été mise au point pour éviter à ces derniers de subir de telles souillures.

Or, si des adolescents et des enfants, sont ainsi confrontés à la pornographie, parfois très tôt, on doit considérer qu’ils subissent là, victimes conscientes ou non, une forme d’agression sexuelle diaboliquement organisée, dont ils sont les proies. Car si cette sorte de viol sur mineurs n’est peut-être pas de nature physique, la violence et la perversité des images ou vidéos pornographiques auxquels des jeunes sont aujourd’hui confrontés, très souvent à l’insu de leurs parents ou de leurs proches, constituent une très grave atteinte à leur intégrité morale et psychique.

Une telle corruption et un tel traumatisme risquent d’instiller dans leur esprit et leur imagination des perversions multiples, qui non seulement peuvent perturber de façon très préjudiciable leur croissance mentale et physique, mais avoir aussi de terribles conséquences sur leur vie d’adultes, tant au plan affectif que dans leurs relations ordinaires avec les autres, jusqu’à faire d’eux à leur tour des pervers sexuels.

Ce monde est-il sérieux ?

Mais qui s’en est soucié réellement depuis que ce fléau a pris tant d’ampleur, qui a dénoncé vraiment et avec force jusqu’ici ce scandale permanent ? Presque tout le monde s’est incliné devant les réglementations cyniques qui autorisent la pornographie pour adultes, du moment qu’elle est officiellement interdite aux mineurs. Ce monde est-il sérieux ?

On sait fort bien que cette pseudo-réglementation n’empêche nullement les contournements et les accès les plus aisés à toutes sortes de sites pornographiques sur Internet. On sait fort bien également que, malheureusement, des jeunes tout à fait innocents peuvent malgré eux se retrouver sur la Toile face à des images pornographiques, ne serait-ce qu’en ayant simplement et innocemment saisi des mots clés ou entamé des recherches qui n’auraient pas dû les amener sur de tels sites.

Les concepteurs des sites pornographiques sont partout aux aguets ; nombreux sont d’ailleurs les internautes qui, en consultant leurs messageries électroniques, ont vu arriver un jour au milieu de leurs messages, parmi les courriels indésirables (pourriels) une invitation à consulter tel ou tel site érotique ou licencieux.

Dieu merci, enfin, les choses commencent à bouger. Le gouvernement semble avoir pris conscience récemment de l’urgence du problème, et l’on doit saluer l’action d’Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, pour avoir préparé la signature d’une charte de prévention de l’exposition des enfants à la pornographie, associant différents acteurs d’Internet et de la société civile.

Le cas très emblématique de Gabriel Matzneff

Autre actualité récente, le cas très emblématique de Gabriel Matzneff qui provoque un débat houleux dans les médias, et c’est heureux. Vanessa Springora vient de publier en décembre 2019, un roman autobiographique, Le Consentement, où elle décrit l’emprise perverse qu’a exercée sur elle l’écrivain quand elle avait treize ans. À la suite de ces dernières révélations, les langues commencent à se délier pour dénoncer les nombreux soutiens dont a bénéficié Matzneff pendant des années au sein du monde des lettres, des arts et des médias. Denise Bombardier interrogé sur sa confrontation avec Gabriel Matzneff lors de l’émission de Bernard Pivot de mars 1990, a rappelé le 26 décembre 2019 à un journaliste du quotidien québécois Le Devoir que le milieu littéraire et la presse français ont toléré, voire admiré pendant trente ans un pédophile et prédateur sexuel reconnaissant sans vergogne son plaisir de « sodomiser des mineurs »…

La pollution des âmes de nos jeunes

On se bat aujourd’hui, à juste titre, contre les pollutions de toutes sortes ; la pollution des âmes, tout particulièrement celles de nos jeunes, par la pornographie en est une, et l’une des plus graves. Au reste, tout se tient : polluer la planète et polluer les êtres, physiquement et moralement, sont les facettes d’une même déshumanisation progressive de notre « Maison commune ».

Si, après les scandales qu’ont provoqués ses insuffisances et ses silences concernant la pédophilie et l’inadmissible dévoiement de certains de ses membres, l’Église veut retrouver toute la confiance de ses fidèles et de tous ceux qui l’observent de l’extérieur, elle doit non seulement faire vite et bien le ménage en son sein, mais également se placer en première ligne dans la lutte contre la « pornographie pour tous » qui atteint les plus jeunes, viole leur conscience et pervertit leur sexualité. Il s’agit dès lors d’agir vigoureusement en faisant pression sur tous les gouvernements, tous les États, et en dénonçant sans détour l’hypocrisie de ceux qui prospèrent en toute « bonne conscience », parce qu’ils n’ont aucune limite pour susciter et nourrir partout la luxure.

Le combat commence vraiment, il va être long et semé d’embûches, mais il doit avoir lieu. Espérons-en une issue victorieuse ! / Fr. A.

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1. Voir notamment l’article de La Croix-Croire énumérant les principales « Dates clés de la lutte de l’Église contre la pédophilie ».

2. Voir le document traduit sur le site d’Aleteia.

3. Notons aussi le site de la Conférence des évêques de France, Lutter contre la pédophilie, lancé en juillet 2016 et le guide du même nom publié en janvier 2017. N’oublions pas enfin la mise en place et l’action de la Commission indépendante d’enquête sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), créée à la demande de l’épiscopat français.