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La rentrée sera-t-elle connectée ?

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   Très bon numéro de Philosophie Magazine ce mois-ci. Le thème  « Pourquoi nous n’apprendrons plus comme avant », en une rentrée difficile, a de quoi nourrir la réflexion. L’éditorial d’Alexandre Lacroix prend acte du changement, celui d’étudiants tapant désormais leurs cours sur un ordinateur portable dans une salle de classe plus du tout coupée du monde et où les bavardages ont disparu. Les étudiants, s’ils s’ennuient, surfent en douce, apprend-on. Plutôt une « bonne chose », conclut-il, que le savoir ne soit plus contenu dans la seule mémoire du professeur, son autorité ne viendra plus « en premier chef » de là. « L’acte d’enseigner ? « une mise en scène », « une manière de se mouvoir dans le savoir plutôt qu’à énoncer celui-ci. »


   Qu’on me permette une digression : j’aurais envie de rétorquer à Alexandre Lacroix que mes étudiants, s’ils ont sorti une demi-minute leur ordinateur portable au premier cours, les ont ramassés très vite sur ma demande. Je persiste à croire qu’un cours, c’est une relation de visage à visage, d’esprit à esprit, sans l’obstacle de l’écran. Je persiste à penser que ces jeunes passant un concours ou des examens sur papier ont intérêt encore à parfaire leur entraînement avec papier et stylo s’ils veulent encore savoir écrire convenablement au moment crucial de la dissertation. Que serait un pilote d’hélicoptère sans heures de vol ? On conviendra que la raison est bassement utilitaire.  Elle tiendra le temps qu’elle tiendra ! On peut imaginer également comme bénéfique qu’il y ait quelques heures « débranchées » dans la vie de nos jeunes, que leurs yeux se reposent d’écrans lumineux qui les cernent de toutes parts. Il me plaît alors de reprendre ici la conclusion de Raffaele Simone : « Je crois que l’apprentissage, surtout dans les premières phases de l’existence, n’est possible que par la relation entre les êtres humains.

 

Éduquer à la lecture profonde

 

   Bref, passons, et revenons au numéro de Philosophie Magazine. À l’interview de Maryanne Wolf qui, toute consciente des dangers de « l’immédiateté de l’information », de « l’absence de travail d’individus peu conscients, de la nécessité d’intérioriser une discipline d’analyse critique et de pensée par interférence », conclut malgré tout qu’il ne faut pas opposer Google et Gutenberg. Cette Américaine, spécialiste du développement de l’enfant, souhaite que « la technologie puisse se guérir elle-même de ses propres maux » en éduquant les jeunes « à la lecture profonde ».


  Particulièrement remarquable également le long article, longue « enquête inquiète », de Michel Eltchaninoff autour de la fin du « par cœur », des « cerveaux fatigués », du « palais virtuel de la mémoire ». « Se rappeler n’est pas stocker », lance-t-il ! Effectivement, l’Internet sert à trouver ce que l’on connaît déjà. Les spécialistes universitaires interrogés pour cette analyse ne vont pas tous dans le sens de l’air du temps et rappellent comment les apprentissages fondamentaux structurent notre intelligence.


  Quant au débat Michel Serres, Bernard Stiegler, regardons-le ci-dessous en vidéo. La crainte de Stiegler est une vraie crainte : la perte d’autonomie, la perte de la pensée par le formatage, le conditionnement technique, la calamité Facebook… La révolution numérique a bouleversé toutes les activités éducatives, les activités de recherche. Il s’agit d’en être vraiment conscient et d’y faire face.


  Philosophie Magazine de septembre ? une invitation à penser le numérique, à penser l’Internet pour que l’Internet ne nous rende pas bêtes ! H.B.