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IIe Sommet des consciences : Y croire encore !

R.Minani-Bihuzo, réseau des centres sociaux jésuites en Afrique

Au beau Palais d’Iéna qui abrite le CESE, une haute assemblée d’autorités morales et religieuses se réunissait aujourd’hui. Sous l’égide du très médiatique Nicolas Hulot, le IIe Sommet des consciences a ainsi livré son lot d’interventions de VIP voulant sauver le climat, sauver la planète. Rien moins que cela ! Il y a urgence, a-t-on entendu une fois encore. Était-ce une énième prise de conscience pour que rien ne change vraiment ? Tout le monde avait bien en tête ce défilé de colloques et de sommets, de Rio à Kyoto, qui n’avaient pas tenu les promesses données.

Laurent Fabius « plein d’espoir »

Mais si cela changeait pour une fois ? Si pour une fois, comme l’a dit Laurent Fabius à qui l’on ne fait plus le coup de la conscience, il fallait passer vraiment à l’action ? Car conclut-il « s’il n’y a que la conscience, il n’y a pas de débouchés possibles ». Énumérant les unes après les autres les habituelles oppositions, n’ignorant pas la complexité des enjeux ni les intérêts « agissant là contre », le ministre des Affaires étrangères a montré un pragmatisme honnête en mettant sur la table des ambitions mesurées et les réels moyens dont il dispose. Une gageure que celle de parvenir à fédérer les 196 parties en décembre prochain lors de la Conférence sur le climat à Paris ? Celui qui préfère l’expression « dérèglement climatique » à « changement climatique » affirme malgré tout son grand espoir car sans doute les « planètes » n’ont-elles jamais été aussi bien alignées : « La science, la conscience, la constance, la circonstance ». Chaque année, assène-t-il, devra réévaluer l’objectif à la hausse. La capitulation n’est ainsi pas envisageable.

Pascalienne Ségolène Royal, endurant Nicolas HNicolas Hulot Why do I care ?ulot

Auparavant le ministre de l’Environnement avait mis en avant les enjeux de dignité humaine que porte la question du changement climatique. Citant Pascal et son homme roseau faible dont la dignité réside en la pensée, Ségolène Royal s’est elle aussi placée sur le terrain du conflit entre la pensée et l’action. Comment penser en homme d’action, comment agir en homme de pensée ? La pensée bergsonienne est appelée au secours pour dire cette difficulté jusqu’à présent insurmontable. Mais comme Laurent Fabius, Ségolène Royal refuse l’impuissance et le défaitisme devant ce qui s’apparente aujourd’hui à bien des égards aux Travaux d’Hercule. Nicolas Hulot l’avait lancé en début de matinée, il s’agit « enfin de devenir humain ». « Partie consciente de la nature », allons-nous « honorer cela » ? Sur le ton de l’avertissement, l’auteur du Syndrome du Titanic ne mâche pas ses mots : « Si nous oublions de redéfinir les fins, nos enfants finiront par nous détester. » Pour éviter cela un programme sûr : « renouer avec le sens », retrouver un « supplément d’âme ».

Le grand écart de François Hollande

À l’instar d’un Jean-Paul Delevoye dont personne n’a oublié qu’il a piétiné 700 000 pétitions d’une démocratie participative morte avant même d’être née, le Président de la république n’a pas ménagé sa peine pour essayer à son tour d’être crédible. Il faut dire que ce fut difficile essayant, dans un grand écart voyant, de faire bonne figure aux autorités religieuses présentes. Le petit couplet sur la laïcité et sur les convictions partagées n’aura échappé à personne. Ne voulant pas s’afficher de manière trop voyante du côté religieux et d’un pape superstar, François Hollande a finalement réuni un peu tout et son contraire. La patte socialiste devait se voir. Et elle s’est vue : “Non pas la Création du monde mais la création par le monde des œuvres…” On l’aura compris bien entendu que congédier le progrès n’était tout bonnement pas possible. Le slogan nouveau s’écrivait en un seul impératif : « Redonner du sens au progrès ».

Le président de la République avait sans doute vu le danger. Les autorités religieuses avaient fourbi leurs arguments, tous étaient d’une très haute teneur. Que ce soit le Patriarche Bartholomée Ier invitant à une conversion de tout l’être, à une « métanoïa », que ce soit le cardinal Turkson de Justice et Paix convoquant une « dimension spirituelle fondamentale », les engagements devant « suivre les mots », l’Esprit soufflait pour rappeler que la responsabilité des hommes est grande : « au lieu d’une friche il nous faudra laisser à nos enfants un jardin ». Père Dominique LangLe père Dominique Lang interroge : “Le bien que nous défendons en conscience est-il un bien commun, l’air, l’eau, la famille ?”. Si Andréa Riccardi s’est souvenu que les religions ont parlé d’un « salut commun », le père jésuite R. Minani-Bihuzo s’est quant à lui indigné de la privatisation de l’eau. Mgr Nathan Kyamanywa, d’Ouganda, marqua sa différence en calant le Sommet du côté des préoccupations de riches et dans un catastrophisme, dont on ne savait s’il pouvait être prophétique, avertit du dangereux « jeu du feu » auquel se livrent les hommes « À la fin notre maison commune sera incendiée. Qui en réchappera ? Personne ! » D’une certaine façon le Cheikh Bentounes, d’une confrérie soufie Alawiyya en Algérie n’a pas dit autre chose : “Là où la raison déraille, la conscience déraisonne ».

L’absent si présent : le pape François

Il y eut à ce deuxième Sommet des consciences un absent bel et bien présent. Combien d’intervenants l’ont cité à commencer par le président de la république ou Ségolène Royal mais aussi le richissime Arnold Schwarzenegger ? Le pape et son encyclique Laudato Si furent à l’évidence les grandes vedettes consensuelles de cette journée réussie. La question de son instrumentalisation peut bien entendu se poser tant il est vrai que l’encyclique est loin de n’aborder que la seule question du changement climatique. Mais en bien des moments les discours se rejoignaient dans la stigmatisation d’une finance prédatrice. Certains acceptaient d’ailleurs d’aller plus loin dans le chemin. Ainsi Janos Pasztor de l’ONU : « Comme l’a dit le pape François, le changement climatique est un combat éthique. » Ou encore Susan George d’Attac en appelant aux mouvements citoyens seuls capables de mettre les États au pied du mur : Quelle est cette absurdité qui « donne 14 000 milliards pour sSusan Georgeauver les banques » quand « l’on ne trouverait pas 1000 milliards pour sauver le climat » ? Et de conclure en Cassandre : « Le coût de ne pas agir est infini ».

Pour tous tenter de contrer l’irréversibilité du changement climatique allait de pair avec ce que l’anglais appelle le « care » « prendre soin, se soucier ». Au cœur du discours justement l’homme dont on ne prend pas soin, l’homme pauvre, malmené, blessé, malade, l’homme au cœur de barbaries atroces comme l’a mentionné Ghayth Abduldjabbar Abdullah al-Timeemi décrivant les ravages en Irak et les massacres des Yezidis.

Répondrons-nous à l’Appel “Why do I care” ?

Méditations, respirations, danses, chants, musique de chambre ont ponctué un beau sommet préparatoire à la conférence onusienne de décembre à Paris. Un appel à témoigner sur le site « Why do I care » a été lancé en fin de journée. Déjà plus de mille témoignages enrichissent de leur diversité le site aux vertes couleurs. Pourquoi pas le vôtre ? Choisissons la Paix à Paris comme nous y invite Nicolas Hulot et faisons avancer le débat dans toutes ses dimensions !

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Déclaration du pape à la rencontre sur l’esclavage moderne et le changement climatique, (Le Vatican, le 21 juillet 2015).

“Parlant de la culture de la protection de l’environnement, il a redit qu’il ne pouvait s’agir d’une simple attitude de bon sens vert. “C’est beaucoup plus. Prendre soin de l’environnement signifie faire aussi de l’écologie humaine. En d’autres termes, nous ne pouvons pas dire que la personne est séparée de la création. L’écologie est un tout, qui comprend l’humain, comme j’ai voulu le montrer dans Laudato Si’.” Lire la suite

Lire sur le site de La Croix “Donner une force spirituelle à la défense de l’environnement”.

Lire sur le site du JDD “Hollande sur le climat : la misère demain sera ingouvernable”.

Lire sur le site de Challenges “Un sommet des consciences pour préparer la COP21”.

Témoigner sur le site “Why do I care ?”

Voir le Sommet des consciences sur Youtube

Mon témoignage

Whydoicare Témoignage sur le site officiel