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Fête de la musique : l’Élysée donne le “la”

fête de la musique

À moins d’une semaine de la visite au Vatican, c’était fête à l’Élysée. Fête de la musique. On le sait, les catholiques ne pèsent plus au regard des évolutions des mœurs actuelles mais il s’agissait malgré tout, à quelques jours d’un voyage protocolaire chez le pape, de donner des signes forts de non allégeance aux calotins, aux conservateurs de tout poil. Le discours au Bernardins  gros de ses polémiques était encore tout chaud.

Et, d’un certain point de vue, le coup de com’ est plutôt réussi : un groupe de musique électro dont l’un des chanteurs Kiddy Smile arborait un T-shirt “Fils d’immigré, noir et pédé” était introduit dans ce haut lieu de la république. Il s’agissait de toute évidence d’un rappel de vaccin essentiel : Emmanuel Macron bilingue parfait est le président de tous les Français. Y compris de ceux qui chantent en anglais :

Ce soir, brûlons cette maison, brûlons-la complètement », « Les femmes et la beuh », « Ne t’assieds pas, salope, s’il te plaît », « Danse, enculé de ta mère, danse », … « T’es vénère parce que je me suis fait sucer la bite et lécher les couilles ».

“L’historique fête de la musique”

L’émission Quotidien, haut lieu médiatique, s’en est fait l’écho par la voix d’un Yann Barthès ironique à souhait. Certains médias comme LCI ont eu les yeux qui piquent et ont cru d’abord à un montage en découvrant la photo officielle du compte Team Macron. Paris Match dans une vidéo explicite titre “L’improbable fête de la musique d’Emmanuel et de Brigitte Macron”. Tous des “pisse-vinaigre” ? comme l’a qualifié la journaliste Virginie Leguay ? Sur Twitter toujours, Christophe Castaner, après coup, n’a pas voulu céder de terrain et assume au cas où l’on aurait pensé qu’il s’agissait d’une erreur de casting. Pas question de se fendre d’un quelconque communiqué de presse de repentir. Les drapeaux français ont bel et bien flotté sur une soirée revendiquée “au rythme de Kiddy Smile”. “L’Élysée est à vous” avait lancé, joyeux, le président de la république. Dont acte !

 

Le talent : renversement inouï

On reste malgré tout surpris de l’amalgame immigration/négritude/homosexualité/talent. Toutes nos personnes migrantes sont-elles contentes de se retrouver agrégées minorité dans les seules minorités ? Toutes nos personnes homosexuelles sont-elles ravies de se voir prises dans la nacelle des seuls noirs et des migrants ? Tous nos frères noirs se retrouvent-ils dans ces danses échevelées dont le président de la république a salué “le talent” ? Ainsi, faut-il être “noir, immigré et pédé” sic en même temps pour avoir du talent ? J’en doute. Les femmes “danseuses” étaient-elles dans leur rôle le plus valorisant ? Être réduit à sa minorité, ne pas être élargi à la dignité d’être juste une personne, quelle vision anthropologique !

On s’interroge également sur ce choix confidentiel de boîte de nuit, celui de faire appel à Kiddy Smile plutôt que par exemple à Imany plus populaire, qui compte 30 000 abonnés Twitter soit dix fois plus que Kiddy Smile. Qui donc a susurré pareil nom à l’Élysée ?

Une chose est sûre : aujourd’hui le talent, l’expertise ne sont plus dans le tuyau de la méritocratie. Sont propulsés premiers, sont propulsés au haut de l’échelle, médiocres et même tout à fait mauvais. Tout le monde le sait et la course à l’échalote de savoir qui joue désormais le mieux au ketman a commencé ! La présidence de la république n’est pas en reste, a donné le “la” jeudi dernier lors de cette fête de la musique 2018. Les règles du jeu changent comme jamais. C’est sans doute cela le plus inquiétant.

Espérons en tout cas que l’ironie des temps ne donne pas raison à ces chanteurs, que les paroles proférées ne lâchent pas leur puissance performative !

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Mise à jour du 2 juillet

Lire sur le site de Radio Notre-Dame la chronique de Gérard Leclerc “Et en même temps…”