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Victoire LREM : manspreading plutôt que tsunami

Carte blanche du 19 juin 2017 – Victoire LREM : manspreading plutôt que tsunami

Louis Daufresne : Le deuxième tour des législatives a donc livré son verdict. L’Assemblée nationale voit la majorité présidentielle, La République En Marche, s’étaler dans l’hémicycle bien au-delà du centre : beaucoup à gauche, un peu à droite. La presse a usé de métaphores pour essayer de nommer ces nouvelles entrées de députés en nombre : vague, raz-de-marée, tsunami. Vous, vous préférez le terme manspreading 

Hélène Bodenez : Oui j’use ici volontiers un terme de féministes mis en valeur aux États-Unis qui voit les hommes écarter les cuisses dans les transports en commun réduits. Ils occupent ainsi plus qu’un siège. Un comportement jugé irrespectueux évidemment pour les voisins. Sur Twitter, le compte d’un humoriste, un certain Ulys est le premier à avoir pensé à cette figure pour qualifier les résultats de nos ubuesques élections. On y voit Emmanuel Macron avec une cravate jaune LREM jambes ouvertes sur une banquette et réservant la portion congrue de l’espace aux candidats de la LFI, du PS à gauche, des LR et du FN à droite. La caricature exprime là une vérité dérangeante : la suprématie d’un parti pousse-toi-de-là-que-je-m’y-mette !

L.D. : Alors, en quoi l’arrivée en nombre des députés LREM peut-elle être assimilée à de l’irrespect ? 

H.B. : D’abord, en asséchant la gauche et la droite, même si c’est moins que prévu, LREM s’est conduit via le scrutin majoritaire en coucou occupant le nid des autres, ce que certains nomment « dégagisme ». Ensuite, parce que les candidats investis à la faveur de cette vampirisation l’ont été par Jean-Paul Delevoye dont je rappelle qu’il a mis arbitrairement au panier les 750 000 pétitions citoyennes du 15 février 2013 des signataires pas d’accord avec la Loi Taubira du Mariage Pour Tous. Cet acte antidémocratique n’inaugurait rien de bon concernant celui qui a eu toute latitude pour imposer ses investitures. Depuis, nombre de ces candidats ont révélé des faiblesses patentes au point qu’aucun d’eux, par peur de se retrouver brocardé, n’a voulu débattre entre les deux tours. Ce qui est tout de même insensé quand l’Assemblée est le haut lieu du débat. Si je passe en revue certains noms, on est éberlué par l’indigence des phrases d’une Émilie Guérel dans le Var, d’Anissa Khedher dans le Rhône déjà appelée « Mme Paravent » sur Twitter, ou de Fabienne Colboc en Touraine… D’autres sont ou ont été inquiétés par la justice. Manifestement, Delevoye a avec sa cohorte d’inexpérimentés réalisé une OPA énorme sur l’Assemblée, étalant ses investis avec sans-gêne évinçant des intelligences reconnues phagocytant toute opposition. Et donc éteindre le débat démocratique : l’éteindre par le nombre des députés arrivants, mais pas seulement, par leur manque d’habitude du débat également. À la limite c’est une qualité !

L.D. : Dans quel espace l’opposition pourra-t-elle à votre avis s’étendre, elle aussi, pour reprendre en français votre spreading de tout à l’heure ?

H.B. : Difficile à dire à l’heure où le mercato médiatique évince dans le même temps des personnalités de poids, des grandes voix de journalistes. Il faut s’organiser, se réunir, reconstruire, être là dans cinq ans. C’est possible. Peut-être même avant.

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