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Le blog-notes de Radio Notre-Dame

Le blog-notes de Radio Notre Dame sur Spotlight

Le blog-notes du 1er février 2016 (Chaque lundi à 07:08 et 08:52) À 03.16 en réécoute sur le site de Radio Notre-Dame – Spotlight : la vérité coûte que coûte !

Louis Daufresne : Vous avez vu Spotlight, d’après les faits réels des prêtres pédophiles secouant l’Église à Boston. Les acteurs du film Spotlight viennent de recevoir à Los Angeles le prix de la meilleure distribution lors de la cérémonie des Screen Actors Guild Awards. Et vous vous avez vu le film. Terrible, vous dites.

H.B. : Terrible film !  L’équipe Spotlight du Boston Globe décide de révéler le scandale des prêtres pédophiles. Ces journalistes ont obtenu le prix Pulitzer en 2003 en récompense de leur investigation qui a conduit à l’écroulement d’un système d’omertas effarant. Tout commence avec l’arrivée d’un nouveau patron, Martin Baron juif célibataire, étranger à la ville, taciturne déterminé. Il entend que le journal renoue avec le succès que lui donnaient les scoops de Spotlight avec ses dossiers touchy. Ils en tiennent justement un, avec un prêtre pédophile John J. Geoghan. Ils rouvrent ainsi les vieux dossiers, relisent les vieilles coupures. Nous sommes en 2001 ; l’on a oublié que ce temps-là avait encore quelque chose d’ancien : gros ordinateurs, photocopies poussives, archives non numérisées. Tout cela restait encore bien manuel ; le travail titanesque métamorphose la petite affaire en grosse histoire : les acteurs ne sont que leur fonction, journalistes, dont l’un nous bouleverse au cœur de l’affaire quand il lâche « J’aimais tant aller à l’église quand j’étais petit. »

L.D. : Estimez vous que c’est un film qui fait la peau aux curés ?

H.B. : Je ne le pense pas. Au départ, un seul prêtre pédophile fait l’objet du scandale, puis au fil de l’enquête, c’est la découverte des presque 90 prêtres soit 6% des prêtres de Boston. La cible alors se déplace : des prêtres, on passe à l’accusation du cardinal Law. Puis du prélat à l’accusation, comme dit Baron, du Système avec un grand S. Et à mon avis l’aspect le plus juste du film c’est que le « Système » que certains voudraient réduire à la seule coupable Église catholique s’élargit aux autres omertas, à la justice, aux politiques et aux journalistes eux-mêmes. Dans le film est mis en cause « le clergé dégénéré » et leur hiérarchie qui savait, bien sûr, mais également et c’est plus nouveau, le maire de la ville, « les avocats qui font de l’abus sexuel sur enfants une activité lucrative », les journalistes qui ont relégué dans les profondeurs des nouvelles locales des infos ponctuelles de pédophilie les vouant alors à l’oubli rapide. Le film reste peu disert sur les complicités de l’école.

L.D. : Il a encore une quelconque portée, dix ans après, ce film ?

H.B. : Je le crois. Ce n’est certes plus un scoop, mais la façon dont l’Église s’est alors défendue l’est, ses méthodes laissent coi : pressions de tous ordres, rôles des associations catholiques et des personnes influentes, disparition de documents publics. Le film met en outre en évidence les mécanismes qui conduisent un jeune vulnérable à se laisser abuser. Bon de les voir, comme bon de voir la dépossession de la foi que produit l’acte. Une question nous effleure tout de même à la fin, inversant les choses : dans pareil système un prêtre injustement accusé pourrait-il se défendre ?

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Vidéo Le Monde : « Spotlight » : au cœur d’une enquête mêlant Église et pédophilie